ONU. Le monde s’élève contre le blocus imposé à Cuba
L’Assemblée générale des Nations unies a adopté, mercredi, à la quasi-unanimité, une résolution demandant la levée des sanctions imposées depuis 1962 par Washington à La Havane.
Comme les 28 précédentes, la résolution adoptée mercredi par l’Assemblée générale des Nations unies sur la « nécessité de mettre fin à l’embargo économique, commercial et financier imposé par les États-Unis à Cuba » a recueilli le soutien de 184 pays. Sans surprise, seuls Washington et Tel Aviv ont voté contre ce texte réaffirmant, entre autres principes, « l’égalité souveraine des États, la non-ingérence dans leurs affaires intérieures et la liberté du commerce international ». Trois pays se sont abstenus : L’Ukraine et la Colombie, comme en 2019, et le Brésil, qui avait voté contre la résolution adoptée voilà deux ans.
Cette résolution onusienne exhorte l’administration américaine « à prendre les mesures nécessaires pour abroger ou invalider dans les meilleurs délais » les lois et règlements perpétuant un régime de sanctions « dont les effets extraterritoriaux affectent la souveraineté d’autres États, les intérêts légitimes des entités ou des personnes relevant de leur juridiction et la liberté du commerce et de la navigation ».
« Des entraves au développement »
Le blocus décrété par les États-Unis contre Cuba perdure depuis le 3 février 1962. Si les dommages humains liés à ces mesures arbitraires sont inquantifiables, La Havane évalue à plus de 144 milliards de dollars les pertes causées, depuis six décennies, à l’économie cubaine. Entre avril 2019 et mars 2020, le préjudice économique du blocus s’élevait, pour l’île, à 5 milliards de dollars. « Aucun citoyen cubain, aucun secteur de l’économie cubaine n’échappe aux effets du blocus, qui entrave le développement que tout pays souverain est en droit de poursuivre », font valoir les autorités cubaines. Cette politique unilatérale, insistent-elles, constitue le principal obstacle au déploiement des réformes économiques engagées depuis 2008.
Pour le peuple cubain, les effets désastreux et même criminels de ces sanctions se font ressentir plus cruellement encore dans le contexte de la pandémie de Covid-19, puisqu’elles n’épargnent ni les denrées de base, ni les médicaments, ni le matériel et les matières premières dont le pays a besoin pour développer et produire les vaccins qu’il a mis au point contre le nouveau coronavirus. « Comme le virus, le blocus asphyxie et tue. Cela doit cesser ! » a lancé à la tribune de l’ONU le chef de la diplomatie cubaine, Bruno Rodriguez Parrilla.
L’ultime coup tordu de Trump
Il faut rappeler qu’après la relative ouverture initiée par l’administration Obama, Donald Trump avait considérablement durci ce blocus avec un attirail kafkaïen de 243 nouvelles mesures. Un pas supplémentaire avait déjà été franchi avec l’activation pour la première fois, en mai 2019, du titre III de la loi Helms-Burton, une clause qui ouvre la voie à des poursuites en justice contre les entreprises étrangères présentes à Cuba. Cette loi, promulguée en 1996 sous la présidence de Bill Clinton après sa rédaction par des avocats du producteur de rhum exilé aux États-Unis, Bacardi, tient, avec ce volet, les investisseurs étrangers pour des « trafiquants » susceptibles de tirer profit des biens ayant appartenu à des ressortissants américains (ou à des exilés cubains ayant acquis la nationalité américaine) et nationalisés par le gouvernement après la révolution de 1959.
Donald Trump est allé jusqu’à clore son mandat avec un ultime coup tordu : la réinscription de Cuba sur la liste dressée par Washington des États soutenant le terrorisme. Comble du cynisme, quand on sait que les attentats perpétrés en territoire cubain sous parapluie états-unien ont fait, au total, 3 478 victimes décédées et 2 099 infirmes. La réintégration de La Havane dans cette liste implique des entraves aux aides économiques, l’interdiction faite aux institutions internationales d’y financer des projets, ainsi que des mesures de rétorsion fiscale et douanière contre les entreprises et les personnes y développant des activités.
La France plutôt discrète
L’incertitude demeure quant aux orientations qui seront celles de l’administration Biden mais jusque-là, le nouveau président des États-Unis n’a jamais affiché l’intention de mettre un terme à la guerre économique, politique et stratégique livrée à Cuba. Son plan ? « Suivre une politique qui donne au peuple cubain le pouvoir de déterminer librement son propre avenir. »
Comme les années précédentes, la France a voté en faveur de la résolution onusienne pour la levée du blocus. Mais son action diplomatique, sur ce terrain, s’est faite, sous le mandat d’Emmanuel Macron, plutôt discrète. Loin des propos de son prédécesseur, qui, lors d’une visite dans la Grande Île, en 2015, qualifiait ce blocus de « vestige de la guerre froide ».
Sanctions « inacceptables »
Hier 23 juin, lors d’une conférence de presse au Palais Bourbon, les députés François-Michel Lambert (ex-LaREM), Stéphane Viry (LR), André Chassaigne (PCF) et Éric Coquerel (FI) ont appelé l’exécutif à une action résolue en faveur de la levée du blocus états-unien contre Cuba, qui a déjà causé aux entreprises françaises des milliards de dollars de préjudice, depuis 2008, entre amendes et investissements bloqués. Avec leur portée extraterritoriale, ces sanctions « inacceptables » portent atteinte à l’indépendance de l’île et à la souveraineté française, ont-ils estimé, dénonçant leurs effets tragiques sur le peuple cubain, dans un contexte de crise sanitaire mondiale.
Le point sur l’aberrant blocus de Cuba par les USA depuis des décennies :