Syndicalistes, femmes et hommes, salariés du privé et du public, universitaires, tous demandent « le retrait du projet du gouvernement ».
Nous refusons le projet Macron-Delevoye de système de retraite. Il doit être retiré. Le gouvernement doit ouvrir un débat pour une réforme de progrès, les forces de gauche et de transformation sociale aussi. Nous soutenons la lutte en cours pour une bonne retraite, contre le projet actuel, et apportons des pistes de propositions alternatives.
La retraite, période où chacune et chacun, le temps venu, exerce une activité libre en continuant à percevoir une rémunération issue de l’ensemble des richesses créées par celles et ceux qui travaillent, est un apport inestimable à la société. Son développement est possible !
Mais le projet Macron-Delevoye porte un autre projet de société. Il rend possible une régression chaque année, car tout est ramené à la valeur du point, qui devra varier de façon à limiter les dépenses de retraite à 14 % du PIB et retrouver l’équilibre des recettes et des dépenses… sans proposer de ressources de financement nouvelles !
Il appauvrirait les retraités, car la pension serait basée sur la moyenne de tous les salaires perçus, au lieu des meilleurs salaires. Il précariserait encore plus les travailleuses et travailleurs qui le sont déjà. Il instaurerait l’incertitude généralisée sur la pension de retraite que l’on touchera vraiment. Il a pour but explicite d’éloigner l’âge de départ effectif en retraite, avec une première étape à 64 ans. Il repose sur le dogme de la limitation des dépenses publiques et sociales. Il porte une individualisation non solidaire. Il oppose les générations les unes aux autres.
Nous refusons aussi le statu quo, car notre système de retraites par répartition a besoin d’une réforme de progrès social et sociétal. Il doit être amélioré. Et c’est possible. L’allongement de la durée de la vie, pouvoir disposer d’un temps de retraite en bonne santé, pouvoir vivre longtemps avec une retraite convenable pour subvenir à ses besoins y compris au grand âge sont des défis de civilisation auxquels notre société doit répondre positivement.
Nous considérons qu’il est de notre responsabilité, de syndicaliste, d’intellectuel.le, de citoyen.ne, de responsable associatif, de responsable politique, d’élu.e, de mettre en débat, à l’appui des mobilisations, un certain nombre de principes pour une telle réforme de progrès. L’objectif, c’est d’améliorer le système actuel pour un progrès social et de civilisation.
Le gouvernement doit accepter d’ouvrir le débat, non pas pour aménager son système par points, mais sur des alternatives de progrès. Nous en avançons des lignes directrices ici. Au-delà, chacune et chacun doit pouvoir participer à ce débat et y apporter sa pierre. Pour cela, il faut aussi que la violence policière et la répression cessent. Il faut dépenser plus pour les retraites. C’est souhaitable. C’est possible. Le financement est la bataille centrale. Notre société est riche. Elle produira 1,6 à 2 fois plus en 2040 qu’en 2000. Elle produisait 4 fois plus, hors inflation, en 2000 qu’en 1960. Sur ces deux périodes, c’est un progrès plus rapide que celui du nombre de retraités rapportés aux actifs.
Il existe en outre un potentiel de développement sain des richesses, écologique et social, mais il est contrecarré, voire perverti. Il faut changer profondément la production et développer l’emploi pour engager sa véritable transformation sociale et écologique. Le système des retraites doit pouvoir impliquer les entreprises dans ce sens, c’est cela qui le sécuriserait fondamentalement.
L’obstacle majeur à tout cela, c’est le capital, particulièrement le grand capital financier, qui impose sa logique et sa voracité. Prédateur, il s’approprie les richesses. Malthusien, il s’oppose aux cotisations sociales de retraite pour sauvegarder ses profits. Imprégné du vieux monde marchand, il plonge les systèmes sociaux dans une concurrence au moins-disant social. Obsédé par la rentabilité financière, il s’oppose aux investissements efficaces, créateurs d’emploi et écologiques au nom du « coût du travail ». Il impose spéculation, placements financiers et délocalisations sans relâche. Il s’oppose à l’expansion des services publics, de l’emploi. Il pervertit la « croissance », de plus en plus empoisonnée par la finance, la précarité, l’insuffisance des emplois de qualité et des qualifications et par les pollutions écologiques. Il faut arracher les entreprises et l’ensemble des employeurs à cette logique délétère et les emmener vers un chemin de progrès, d’efficacité sociale, économique et écologique.
C’est pourquoi cinq questions majeures nous semblent incontournables pour un système de retraite à la hauteur des défis du XXI e siècle. Elles peuvent venir à l’appui des luttes en cours contre cette logique du capital qu’elles affrontent en réalité. Elles peuvent aider à renforcer l’exigence d’une autre logique d’activité des entreprises et d’un développement des services publics qui s’affirme, en contribuant à identifier des leviers précis de changement.
- Faire contribuer les revenus financiers du capital, ceux que perçoivent les entreprises et les banques (dividendes, intérêts, royalties, etc.), pour désintoxiquer l’économie de la finance, mais aussi mieux faire contribuer les revenus du capital des ménages.
- Entrer dans une autre relation avec les entreprises, avec par exemple un système de modulation du taux de cotisation patronale pour développer l’emploi, les salaires et les qualifications, base saine de l’activité et de la production de richesses, afin d’accroître durablement la masse de cotisations et changer nos modes de développement. Par exemple, les entreprises qui taillent dans l’emploi, les salaires, font appel aux emplois précaires et n’appliquent pas la parité salariale femme-homme pourraient être pénalisées. Celles qui veulent progresser en s’appuyant sur les capacités des femmes et des hommes par le développement de l’emploi, de la formation et des salaires seraient ainsi favorisées. Cela pour augmenter la masse globale des cotisations. Il ne doit pas s’agir d’un « jeu à somme nulle ». Il faut aussi réexaminer tous les dispositifs d’exonérations de cotisations sociales (plus de 50 milliards d’euros), qui encouragent les bas salaires, bénéficient surtout aux plus grandes entreprises et déstabilisent le financement du système.
- Services publics, institutions et dispositifs de sécurisation. Il faut développer de nouveaux services publics du troisième âge et de la prise en charge du quatrième âge et de la perte d’autonomie, instaurer des dispositifs qui sécurisent l’emploi des seniors d’âge actif, alors que la moitié d’entre eux est actuellement hors emploi, alléger leur peine et organiser des départs progressifs d’emploi au bénéfice des plus jeunes. Plus généralement, il faut sécuriser et promouvoir toutes les carrières, avec des dispositifs ambitieux pour l’accès des femmes et des jeunes à l’emploi de qualité, et prendre en compte les périodes de formation
- Démocratie. La démocratie doit être remise au centre du système de retraites par répartition pour que les intéressés eux-mêmes maîtrisent la gestion d’un système devenu, au fil du temps et des contre-réformes, de plus en plus autoritaire et technocratique.
- Unification. Unifier le système vers le haut en élargissant les avancées sociales des régimes spéciaux et particuliers de retraite à l’ensemble des métiers et salariés d’une branche, au regard notamment de la pénibilité du travail. Étendre par exemple à l’ensemble des conducteurs routiers de voyageurs et de marchandises le régime spécial des conducteurs de la SNCF ou de la RATP. Les principes doivent être ceux de la répartition, un départ à 60 ans, avec un taux plein, la prise en compte des meilleures années de salaire, en tenant compte des différences réelles de carrière entre public et privé, la prise en compte des années d’études, un départ avant 60 ans à taux plein lié à la pénibilité ou pour ceux qui commencent à travailler tôt, améliorer la retraite minimale, la situation des femmes, des précaires et ne pas dégrader celle des familles, appliquer le même décompte des annuités pour enfants dans le public (2 trimestres) que dans le privé (8 trimestres).
En parallèle, le système serait grandement conforté par des dispositifs communs de sécurisation des systèmes de retraite en Europe et de leur promotion, au lieu de les mettre en concurrence et d’appliquer les Gope (grandes orientations de politique économique) rétrogrades de l’Union européenne définies en réalité par les gouvernements. La BCE pourrait financer un fonds d’appui aux retraites en Europe. Une clause de non-régression sociale pourrait être adoptée. Une conférence européenne sur les retraites pourrait être organisée en ce sens.
La nécessaire discussion de ces cinq questions comme axes d’une réforme de progrès n’exclut pas la nécessité d’ouvrir le débat plus général pour mettre l’emploi, l’écologie et la lutte contre les inégalités au cœur de la politique économique, pour une autre efficacité sociale, écologique et économique, contre l’austérité et pour un dépassement de cette société capitaliste, hypermarchande, de concurrence et antiécologique.
Le débat doit avoir lieu. La politique ne doit pas se faire « à côté des contenus ». Nous attendons des partis et forces politiques la formulation de propositions cohérentes. Qu’ils ne se contentent pas d’affirmer des objectifs sociaux, souvent louables, sans dire comment les atteindre, avec quels moyens et quels pouvoirs démocratiques. Nous sommes disponibles pour une mise au travail dès à présent.
Le projet du gouvernement n’a été soutenu que par 24 % des suffrages exprimés lors du premier tour de la présidentielle, moment des choix sur les projets. Et aujourd’hui, au-delà même des votants, une majorité de Français y est opposée. Ce projet a donc un problème de légitimité. Le gouvernement ne doit pas biaiser par des ajustements et concessions catégorielles, qui divisent, pour maintenir coûte que coûte le principe de la suppression du système actuel et instaurer son système par points qui ouvrirait la voie à toutes les autres mises en cause ultérieures. Le projet Macron-Delevoye doit être retiré et la discussion s’ouvrir sur des alternatives de progrès social.
Signez cet appel : https://framaforms.org/appel-retraites-pour-une-reforme-de-progres-social-retrait-du-projet-du-gouvernement-1576495547
Premiers signataires : Hélène Adam, syndicaliste, Boris Amoroz, syndicaliste Alstom, Gérard Aschieri, syndicaliste FSU, Daniel Bachet, sociologue, Philippe Batifoulier, économiste atterré, Jean-Marc Baud, chercheur ATER, Amar Bellal, professeur des universités, rédacteur en chef de Progressistes, Véronique Biarnaix-Roche, syndicaliste chimie, Frédéric Boccara, économiste, membre du CEN du PCF, Stéphane Bonnéry, professeur des universités, Paul Bouffartigue, sociologue CNRS, Ali Boulayoune, sociologue, Didier Bourgoin, secrétaire général FSU territoriale, Philippe Boursier, économiste, Fondation Copernic, Pascal Buresi, historien, directeur de recherche CNRS-EHESS, Marie-Claire Cailletaud, syndicaliste énergie, Jean-Marc Canon, secrétaire général de l’UFSE-CGT fonction publique, Cyril Caremier, statisticien public, syndicaliste CGT, Hervé Christofol, universitaire Snesup-FSU, Pierre Cours-Salies, sociologue, Christian de Montlibert, sociologue, Viviane Debarges, syndicaliste santé-action sociale, Hervé Defalvard, économiste, Léon Deffontaines, secrétaire général Mouvement des jeunes communistes, Alexandre Derigny, secrétaire général fédération CGT finances, Yves Dimicoli, économiste, Jean-Paul Domin, économiste, Marnix Dressen-Vagne, sociologue, Jean-Michel Drevon, Institut de recherches FSU, Alain Dru, dirigeant Union confédérale des retraités, Sylvie Durand, syndicaliste, Denis Durand, économiste, codirecteur Économie & Politique, Jean-Marc Durand, inspecteur des finances publiques, Corine Eyraud, sociologue, Dominique Fichten, secrétaire général adjoint CGT finances, Barbara Filhol, secrétaire générale USD 94, Laurent Frajerman, historien de l’éducation, Maryse Gadreau, économiste, Benoît Garcia, responsable syndical CGT finances publiques, Sébastien Gasc, cheminot, syndicaliste CGT, Anaïs Henneguelle, économiste atterrée, Arthur Jatteau, économiste atterré et sociologue, Anne Jollet, historienne, Cahiers d’histoire, Pascal Joly, cheminot, syndicaliste CGT, Michel Katchadourian, militant mutualiste, Thierry Kirat, directeur de recherche CNRS, Isabelle Krzywkowski, universitaire, Frédérique Landas, syndicaliste fonction publique territoriale, Didier Lassauzay, syndicaliste CGT, Ivan Lavallée, professeur informatique, Hervé Le Bouler, forestier, militant écologiste, Didier Le Reste, syndicaliste, cheminot, Cécile Lefèvre, sociologue, Michèle Leflon, médecin, militante associative hôpital, Sylviane Lejeune, enseignante, syndicaliste UGICT-CGT, Wenceslas Lizé, sociologue, Olivier Long, peintre, universitaire, Yvette Lucas, directrice de recherche honoraire CNRS, Corinne Luxembourg, géographe, Jean Malifaud, syndicaliste Snesup-FSU, Justine Malle, réalisatrice, Nasser Mansouri-Guilani, économiste, syndicaliste, Nicolas Marchand, retraité, militant PCF, Denis Merklen, sociologue, Régis Metzger, professeur des écoles, syndicaliste SNUipp-FSU, Régis Mezzasalma, syndicaliste CGT, Noufissa Mikou, professeure d’université retraitée, Catherine Mills, économiste, Michel Molesin, ingénieur métallurgie, syndicaliste, Maryse Montangon, technicienne de laboratoire hôpital, syndicaliste, Cécile Muret, syndicaliste Confédération paysanne, Mohamed Oussedik, ouvrier, secrétaire général de la fédération CGT verre-céramique, Jacques Pasquier, syndicaliste Confédération paysanne, Grégory Pastor, syndicaliste General Electric, coordinateur syndical national, Willy Pelletier, sociologue, Fondation Copernic, Irène Pereira, philosophe, Roland Perrier, retraité enseignement technique, Commission économique PCF, Marion Plault, ingénieure de recherche, Véronique Ponvert, professeure de lettres, syndicaliste FSU, Jean-Claude Pradeau, syndicaliste aéronautique, Frédéric Rauch, économiste, rédacteur en chef Économie & Politique, Michel Rizzi, cadre RATP, syndicaliste, Frédérique Rolet, professeure de lettres, syndicaliste Snes-FSU, Fabienne Rouchy, syndicaliste Banque de France, François Salomé, président national de la JOC, Aymeric Seasseau, dirigeant national PCF, Philippe Sultan, Fondation Copernic, Baptiste Talbot, syndicaliste CGT fonction publique territoriale, Évelyne Ternant, professeure d’économie et gestion, retraitée, Benoît Teste, professeur d’histoire-géographie, syndicaliste FSU, Christophe Voilliot, cosecrétaire général du Snesup, Louis Weber, éditeur, syndicaliste, Élisabeth Zucker, démographe, CGT affaires sociales.