Un film – Un livre

Sur nos écrans

Dans nos salles fin Mai et début Juin

L’édifiante interview de Vincent Lindon dans l’Humanité du 16 mai : « J’ai enfin pu m’énerver pour une cause qui en valait la peine » « J’ai découvert plein de choses »

Vincent Lindon en parle : vidéo  https://www.facebook.com/brutofficiel/videos/189679474993738/

Un article sur le film dans Mediapart  

Le même en pdf


Un livre : Éloge de la politique, Alain Badiou avec Aude Lancelin


 Alain Badiou : écrivain, philosophe, nous parle du monde actuel, de la démocratie, du capitalisme, du communisme.
Passionnant, clair, et utile…
Chez Flamarion, 136 pages, 12€

« Machiavel a largement défini la politique comme un art souverain du mensonge. Elle doit pourtant être autre chose : la capacité de s’emparer de son destin, à inventer un ordre juste et se placer sous l’impératif du bien commun. »

Un court extrait à propos de la démocratie :

A la question « Vivons-nous dans une démocratie ? » Badiou répond :

Il faut revenir à la définition qu’on donne aujourd’hui de ce mot. La démocratie, depuis l”invention du parlementarisme par les Anglais, à la fin du XVIIIe siècle, est conçue non pas comme une figure réelle de la vie collective, mais comme une forme de l’État. Que le contenu réel du mot « démocratie » ne soit en définitive qu’une forme d”État parmi d’autres est d”ailleurs une remarque que faisait déjà Platon, et qu’on retrouve chez Lénine. Cette forme de l’État, quelle est sa caractéristique? Sa caractéristique, c’est qu’elle se présente comme une représentation : les représentants du peuple, les élus, les députés, y sont chargés de la gestion des affaires de l’État.

Aux yeux des défenseurs de ce système, il fonctionne de façon « démocratique », puisque le peuple est régulièrement consulté et que, après tout, il a la liberté de congédier les dirigeants qui ne lui plaisent pas et de nommer des dirigeants qui lui conviennent. Si la démocratie, c’est uniquement ça, c’est-à-dire la figure représentative et l’organisation électorale de la vie politique, alors je dirais que nous sommes en démocratie, mais j’ajouterais… tant pis pour nous. Et tant pis pour la démocratie.

Il y a évidemment une autre conception de la démocratie qui correspond à son étymologie grecque : demos (le peuple) / kratos (le pouvoir). Ce « pouvoir du peuple », loin d’inclure l’idée de représentation, la rend illégitime. Ce point a été discuté depuis longtemps, puisque Rousseau par exemple, qui est au XVIIIe siècle l’un des plus grands théoriciens de la démocratie, considérait que la figure représentative de type anglais ne méritait pas ce nom, qu’elle n’était pas démocratique parce qu’elle était la désignation périodique de représentants qui faisaient en réalité à peu près ce qu’ils voulaient et mentaient au peuple comme des arracheurs de dents.

En tout cas, si on utilise le mot démocratie, il faut préciser le sens qu”on lui donne : mécanique électorale et représentative ordonnée au pouvoir d”État ou bien processus concrets qui sont l’expression possible d’une volonté populaire sur des questions déterminées. Cette seconde définition est parfaitement à l’œuvre dans certaines circonstances. On la voit apparaître par exemple dans des assemblées générales lors d”une grève d”usine, ou dans l’histoire récente des occupations de places délibératives qu’ont connues certains pays. Les grands mouvements de masse ne procèdent pas à des délégations stables et électorales. Ils décident de leur orientation idéologique et pratique à l”occasion de diverses formes de rassemblement du peuple lui-même, et de son instruction – lors de réunions restreintes ou aussi bien de grands meetings – par des orateurs, des dirigeants, dans lesquels les gens ont une confiance légitimée par leur expérience et non par des procédures représentatives.

Je pense que nous savons, que tout le monde sait que le régime dans lequel nous vivons n’est pas démocratique au sens authentique du terme. Il l’est d’autant moins, et c’est quand même fondamental, que nous ne sommes pas sûrs que les gens que désignons lors du rituel électoral, et qui sont censés nous représenter, soient réellement ceux qui décident de ce qui va se passer dans le monde tel qu”il est. Il semble évident qu’il y a des maîtres dont le pouvoir est bien plus considérable que celui des élus. Le dirigeant d’une multinationale qui n’est élu par personne et qui ne rend de comptes qu’à des actionnaires soucieux, exclusivement, de leurs gains financiers, a des pouvoirs plus étendus auprès de nos gouvernements que n’importe quel rassemblement populaire. La question économique et financière est aujourd’hui, de l’avis même des gouvernants élus, quels qu’ils soient, si contraignante quant à la conduite des affaires publiques que non seulement nos représentants ne font finalement que représenter, mais qu’ils ne font le plus souvent que de la représentation. Le pouvoir réel leur échappe sur la plupart des questions importantes. Entre la pression internationale, les organismes qui ne rendent de comptes à personne, comme la Commission européenne, les dirigeants des grandes firmes, la puissance transnationale des banques, la menace des instituts de « notation » économique des nations, sans compter les militaires et autres administrations de l’État, tout un personnel gravite autour de l”État, limite au plus juste sa marge de manœuvre, et réduit la contribution du citoyen quelconque à une pauvre convocation, tous les quatre ou cinq ans, dans ce qui n’est qu’une mise en scène de décisions déjà prises ailleurs.

 

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