Terrorisme ou crime génocidaire ? Le psychiatre et anthropologue Richard Rechtman revient dans Télérama sur le massacre de Nice. Et fustige l’attitude des politiques et des médias, qui nourrissent, selon lui, la stratégie de l’organisation Etat islamique.
Extraits :
… les réactions de nombreux médias et d’une partie de la classe politique sont exactement celles que pouvait espérer Daech ; et parce que ces deux erreurs conjuguées nous conduisent droit à l’échec. Or, derrière cet échec, se profile l’ombre du chaos…
… Leur objectif, rappelons-le, est de créer le chaos, la scission tous azimuts dans la société. Ils ont donc impérativement besoin d’une très grande publicité autour de leurs crimes. Or, malgré tous ses relais sur les réseaux sociaux, Daech ne dispose pas des mêmes moyens de diffusion que l’Occident. C’est dire à quel point ils ont besoin de nos canaux de diffusion pour donner l’ampleur qu’ils souhaitent à leurs actions et, par là même, recruter encore plus de candidats. L’information est donc bien dans ce contexte un enjeu stratégique, pour ne pas dire militaire. Cela veut dire que les informations dont nous disposons sur l’identité des auteurs d’attentats devraient être tenues secrètes quand ces crimes ont déjà eu lieu. Que l’on cherche à comprendre qui sont les personnes susceptibles d’agir, pour essayer d’anticiper et de prévenir leurs actes, c’est évidemment utile, et les travaux du psychanalyste tunisien Fethi Benslama, par exemple, nous éclairent beaucoup sur les candidats potentiels au martyre. En revanche, une fois le meurtre accompli, dire qui était la personne, raconter son passé et diffuser sa photo, c’est se transformer en caisse de résonance du crime et devenir l’allié objectif de Daech…
… Je suggère donc que les responsables politiques décrètent l’anonymat obligatoire de tout auteur d’atrocités, l’interdiction de diffuser ses images, ou tout renseignement sur son identité, l’interdiction de relayer le moindre élément permettant de l’identifier, bref de classer secret-défense tout ce qui concerne les personnes commettant ces attentats. La démocratie exige certes un libre accès à l’information, notamment sur le déroulement et les conséquences de ces crimes, mais elle exige aussi que l’on interdise de divulguer des informations susceptibles de mettre en danger la population. Or rendre impossible l’identification des assassins est une façon de faire que personne ne puisse s’identifier à eux…