L’Affiche rouge
L’info de l’Histoire : hommage à Melinée et Missak Manouchian
Missak Manouchian et sa femme Melinée, qui a servi d’agent de liaison, sont deux grands résistants. Manouchian, c’est le chef d’un réseau issu du parti communiste : les Francs-tireurs et partisans Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI). Il dirigeait trois groupes de combattants. C’est la branche militaire du PCF qui a décidé d’effectuer des attentats contre l’occupant, plus d’une centaine en 1943. L’un de ses lieutenants, Raymond Rajman avec un groupe de trois hommes, parvient le 28 septembre 1943 à abattre le responsable du travail forcé en France, le général Julius Ritter. Les Allemands commencent à avoir peur.
Pour la police de Vichy, il devient urgent de démanteler ce groupe. Les brigades spéciales de la préfecture de police chargées de la lutte contre le communisme réalisent des filatures. En juillet, elles arrêtent quelques membres du réseau et grâce à des interrogatoires brutaux, elles commencent à avoir une idée du nombre de résistants. Au mois de septembre, Manouchian est identifié et repéré. Mais on le suit pour repérer tous ses subordonnés. Le 16 novembre 1943, il est arrêté alors qu’il a rendez-vous avec Joseph Epstein, un autre responsable de FTP-MOI, connu sous le nom de colonel Gilles.
En tout plus de soixante membres des FTP sont piégés au fil des mois. Bientôt les Français transmettent Manouchian et plusieurs de ses hommes aux Allemands. Les autorités allemandes reçoivent Manouchian avec 23 autres membres des FTP. Ils sont jugés par un tribunal militaire dans un simulacre de procès et tous, y compris une femme, Olga Bancic, sont condamnés à mort.
Cette affiche de propagande allemande de mars 1944 a pour objet de discréditer la résistance, aux yeux de la population française. Pour cela, elle joue sur les ressorts psychologiques de la peur et de la xénophobie
Mélinée et Missak Manouchian au Panthéon : avec eux, toute la résistance communiste étrangère
L’Élysée l’a confirmé ce dimanche 18 juin, à l’occasion d’un hommage aux résistants fusillés au Mont-Valérien, lors des commémorations de l’appel du 18 juin : Missak Manouchian et Mélinée entreront l’an prochain au Panthéon. À travers eux, ce sont tous les FTP-MOI, et tous les résistants communistes étrangers, qui sont reconnus. Il était temps.
Orphelin du génocide arménien, il avait traversé la Méditerranée en clandestin, pour débarquer à Marseille sans papiers, sans asile, sans ressources.
Il s’était épris de cette terre d’accueil, au point de mourir pour elle, pour ses principes de liberté, d’égalité et de fraternité, dont il entretint la flamme dans la nuit de l’occupation nazie, avec des milliers d’autres résistants communistes étrangers.
La synthèse de l’espoir communiste et de l’internationalisme
Dans son film l’Armée du crime, Robert Guédiguian narre l’épopée de Manouchian et des FTP-MOI. Il souligne la portée considérable qu’a pour tous les immigrés l’entrée du résistant arménien au Panthéon.
« Avec l’Armée du crime (2009) , j’ai voulu consacrer à l’épopée de Missak Manouchian et des FTP-MOI un film populaire, avec de l’action, des reconstitutions, de la figuration… Je pensais que cette histoire commençait à sombrer dans l’oubli. Cela tient à ceux qui commémorent. La connaissance que j’avais de ces événements était très liée à la force du Parti communiste dans les années 1960. Quand j’étais enfant, à Marseille, on parlait de cette histoire. J’étais frappé par la dernière lettre de Manouchian : “Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand.” Ma mère est allemande. Ces mots scellaient pour moi l’amour entre mes parents. Cette mémoire était célébrée par le Parti communiste. Mécaniquement, son affaiblissement a conduit à un reflux de cette mémoire. Les Arméniens, en tout cas ceux qui viennent de cette matrice communiste, ont continué à commémorer l’engagement de Manouchian. Cette mémoire tient pour eux une place essentielle.
Manouchian représente à mes yeux la synthèse de l’espoir communiste, de l’internationalisme et de la jeunesse. Ces combattants tenaient du “héros”, au sens grec du terme. Ils étaient jeunes, beaux, forts, ils écrivaient, chantaient, avaient toutes les qualités intellectuelles et physiques de la jeunesse ; ils en avaient aussi l’insoumission, la révolte, la rébellion.
La difficulté du film a été de mettre en scène des personnages à la vie exceptionnelle : Epstein, Bancic et tous les autres. Ils ont vécu, pour beaucoup d’entre eux, des parcours d’action, d’aventure. Manouchian, lui, était le survivant d’un génocide. Et puis, il y a cette histoire d’amour qui le liait à Mélinée, avec cette dernière lettre, sublime. Dire à celle qu’on aime au moment de mourir qu’elle doit se marier et avoir un enfant, c’est d’une grande beauté, de ces mots qui marquent l’histoire de l’humanité.
L’entrée de Manouchian au Panthéon a, sur les Arméniens, une portée énorme. Pour tous les immigrés, cette reconnaissance de la République est d’une importance colossale. »