La monnaie commune mondiale, elle avait été évoquée dès les années 1980, à l’initiative de la section économique du PCF que présidait le chercheur marxiste, Paul Boccara, maître de conférences en économie et agrégé d’histoire.
Dans un monde en ébullition, en crises multiples profondes où les guerres se superposent et menacent la sécurité collective il y a urgence à faire prévaloir le besoin de paix, de coopération et d’en finir avec toute vélléité de domination entre Etats. On en est loin. Raison de plus de s’y atteler.
L’un des moyens de domination est d’ordre monétaire : les échanges mondiaux se font obligatoirement en…dollars, ce qui a donné au pays le plus industrialisé et militarisé, le moins touché au sortir de la 2ème guerre mondiale, une hégémonie économique, financière, militaire et politique à travers les prêts en dollars et les intérêts qui s’y rattachent. Cette hégémonie du dollar est de plus en plus contestée.
Avec le temps, les rapports de force économiques et les aspirations des peuples ont beaucoup évolué. Dans le sens d’en finir avec les rapports de domination qui leur ont été imposés et qui freinent leur développement, voire aboutissent à des régressions par les pénuries et les taux d’intérêts censés éviter l’inflation.
La financiarisation capitaliste de l’économie assure des profits records aux actionnaires des multinationales. L’armement, le luxe, les énergies -y compris les plus polluantes- y trouvent leur compte. La spéculation bat son plein. Les majors de l’agroalimentaire achètent des récoltes avant qu’elles soient semées !
Les BRICS partisans d’une monnaie mondiale commune
Depuis une dizaine d’années un bloc, les BRICS, qui réunit le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, en vue d’une coopération équilibrée -et non sous tutuelle- a envisagé de sortir du dollar pour aller vers la création d’une monnaie commune mondiale comme réponse aux bouleversements économiques et politiques et comme alternative à l’hégémonie du dollar, la monnaie du pays le plus riche en pleine tourmente, au point que son endettement colossal (31 000 millards de $) risque de mettre les E-U en défaut de paiement d’ici le 1er juin !
C’est à dire en situation de ne pas pouvoir payer ses dettes…à moins d’augmenter encore son endettement comme le craignent la FED, banque centrale des E-U et la secrétaire d’Etat au Trésor. Démocrates et Républicains n’ayant pu trouver un accord pour éviter le risque de récession aux conséquences redoutables au plan mondial vu la dépréciation du dollar.
D’où l’insistance des Brics, dont les libéraux aiment régulièrement annoncer la mort. Le bloc des cinq dispose depuis 2014 d’une banque à Shangaï.
Treize pays, aux systèmes économiques et politiques très différents, viennent de marquer leur volonté de rejoindre les BRICS, l’Algérie, l’Égypte, l’Iran, le Bahreïn, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, la Turquie, l’Afghanistan, l’Indonésie.. « Tous les pays des Brics voient l’expansion d’un bon œil. L’Afrique du Sud également, mais nous avons besoin de trouver les modalités et les critères appropriés », explique l’ambassadeur d’Afrique du Sud, dont le pays assure la présidence tournante.
A eux cinq, les Brics représentent déjà près de la moitié de la population de la planète et 31,5% du PIB mondial ce qui en fait un concurrent sérieux du G7 (Canada, France, Allemagne, Italie, Japon, Royaume-Uni et E-U) 30,7% du PIB, indique le JDD, le 5-4-23 titrant que “pour la première fois les BRICS sont devenus plus puissants économiquement que le G7″.
Inutile de dire le dilemme devant lequel se trouvent les E-U dont l’économie et la finance battent de l’aile avec une monnaie qu’ils imposent au monde entier depuis 1973, ce qui leur permet de faire gagner beaucoup d’argent aux banques privées -et à leurs actionnaires- par la spéculation et la domination des pays émergeants “arrosés” de dollars très chers.
Les dogmes du capitalisme reposent sur le choix (?) entre intérêts plus chers sinon inflation inévitable, dans les deux cas c’est plus d’inégalités, de chômage et de précarité, de corruption, de guerres payées par les peuples pour sauver le système ! Finalement on a les deux à la fois. Ce que déplore un rapport du CNUCED, branche de l’ONU chargée du commerce et du développement qui constate l’appauvrissement des pays du Sud et leur endettement au profit des multinationales, banques comprises…du Nord.
Le président du Brésil, Lula, lors de sa visite en Chine, a insisté pour que soit finalisée une monnaie commune mondiale, dont il est question depuis très longtemps. Objectif partagé par d’autres pays séduits par la perspective d’en finir avec l’hégémonie du dollar et de ses effets négatifs sur la croissance, le niveau de vie et l’indépendance des Etats !
L’Occident en général et les E-U en particulier y voient une conséquence de la montée en puissance de la Chine, même freinée par les crises mondialisées, elle prend une trop grande place aux yeux et au détriment des intérêts américains singulièrement embourbés dans des guerres et dépenses militaires énormes qui les endettent jusqu’au cou.
Trois fois plus qu’en 2007 ! Malgré le secteur militaire très actif, le ralentissement de l’économie américaine est reconnu par ses propres institutions, la FED dit vouloir ramener l’inflation vers sa cible de 2% mais “ce sera un effort long et difficile” prévient son président. Les taux des intérêts viennent de passer au-dessus des 5%, à 5,25% pour la première fois depuis 2007 et une quatrième banque vient d’être mise en faillite, la Pacific Western Bankénorme
Des voix s’élèvent en occident
Pour souligner l’état de l’économie et de la finance qui ne saurait être minoré par des annonces de circonstances affirmant, comme Lemaire la “solidité” de la France et de l’occident libéral comme si les crises n’existaient pas. Le système capitaliste n’est pas à l’agonie mais il est en train de perdre son leader-ship sur le monde parce qu’il ne veut pas admettre que le monde est multipolaire et qu’il va falloir s’y habituer.
Ainsi de William Bonner, économiste américain, éditeur, auteur, conseiller financier qui écrit que “le dollar est de plus en plus fatigué” et qu’il va falloir dire “au-revoir à tout cela…cette époque est révolue“. (https://la-chronique-agora.com/dollar-plus-fatigue)
Un laboratoire européen d’anticipation politique, “le GEAB caractérise depuis 17 ans, une à une, les phases du processus global de transition systémique. En avril 2023, il est très clair que le « nouveau monde » (dirigé par les BRICS), après un décollage lent et incertain il y a près de 15 ans, entame désormais sa phase de décollage.
Le nouveau monde s’affranchit des freins qui l’ont à la fois alimenté et retenu (l’Occident, le dollar, la technologie occidentale, etc.), et l’ancien monde devra poursuivre sa propre transformation avant de pouvoir décoller en lui-même.” (2)
Le site français Novéthic titre sur “les millliards de dollars qui partent en fumée“, il donne la parole au directeur d’étude de l’EHESS, Pierre Cyrille Hautcoeur qui fait le constat que “La résolution des crises bancaires par des fusions conduisant à des géants incontrôlables pourrait provoquer des catastrophes financières, économiques et même politiques.”
Ces trois témoignages laissent cependant entendre que, s’il faut évoluer avec son temps, la “transition systémique” à laquelle il est fait clairement allusion, n’invalide pas le système capitaliste, il leur est suggéré de s’adapter à une transition qu’il s’agit de maîtriser !
Résistance et perspective politique
Nous vivons une série de crises profondes économiques politique sociale, écologique, financière, sociétale…pas seulement en France mais en Europe et dans le monde. On doute de ce que sera notre avenir et celui de nos enfants. L’Europe, théâtre d’une guerre insoutenable de la Russie de plus d’un an, dont l’escalade a de quoi inquiéter.
Une très forte majorité de la population voit son niveau de vie stagner ou régresser alors qu’une infime minorité s’enrichit comme jamais et ne veut surtout rien changer de ce système très libéral incarné par un Macron de plus en plus isolé mais toujours aussi content de lui.
Il représente un système à la source des inégalités qui se creusent, en même temps que se réduisent les droits des salariés.es et les protections sociales, que les services publics sont privatisés et vidés de leur vocation, les retraites dégradées, portées à 64 ans et promises à la capitalisation…contre l’avis de plus de 70% de la population !
Une nouvelle journée d’action de l’intersyndicale est programmée le 6 juin, à la veille d’un nouveau vote à l’assemblée nationale par le groupe LIOT qui pourrait rendre sans fondement législatif la réforme-Macron.
Pour le PCF, “Les forces de gauche et écologistes ont une responsabilité importante : celle de poursuivre ce combat en restant unis, à l’image de l’intersyndicale, et en continuant de porter des propositions alternatives à la réforme des retraites du gouvernement.“
Quant à la question de la monnaie commune mondiale, elle avait été évoquée dès les années 1980, à l’initiative de la section économique que présidait le chercheur marxiste, Paul Boccara, maître de conférences en économie et agrégé d’histoire.
Un hommage lui sera rendu le 17 juin, à Paris, au siège du PCF, de 13h30 à 18h30, sous la forme d’un séminaire d’études et de recherches marxistes intitulé : “la pensée de Paul Boccara, un apport révolutionnaire pour une civilisation de partage pour toute l’humanité.“
Dans un entretien à l’Humanité du 2 avril 2009 (1) il faisait la genèse de cette question de monnaie commune mondiale qui était à l’ordre du jour d’un prochain G20 et rappelait ses propositions, partagées par les économistes communistes et le PCF. Un document qui vaut le détour.
René Fredon