PAUVRES MALGRÉ LE JOB. LA SOUFFRANCE DES CLASSES MOYENNES ? voir sur ARTE.TV replay
« On nous laisse tomber » : plus qu’un sentiment, c’est le constat des classes moyennes inférieures, qui décrochent du salariat vers le précariat généralisé, au risque d’alimenter les extrêmes, pointe ce documentaire.
Que faire « quand le travail ne paie plus »? Cette question, le film de Katharina Wolff et Valentin Thurn la pose de manière aiguë. C’est que les documentaristes ne sont pas les premiers à noter le décrochage d’une classe moyenne inférieure vers le précariat, qu’on appelait autrefois Lumpenprolétariat. Dès l’introduction, ils soulignent que les problèmes auxquels les populations européennes ont à faire face, tels que la pandémie de Covid, les afflux migratoires dus aux guerres, outre qu’ils pointent les défaillances de notre propre système, accélèrent la détresse du bas de l’échelle. C’est le propre du système capitaliste, pourrait-on dire. Sauf que les catégories à qui l’on faisait hier encore miroiter confort et abondance n’y croient plus.
vers l’émergence d’un monstre politique
L’économiste anglais Guy Standing analyse ce « phénomène mondial » de la baisse de la part de revenus du travail des classes moyennes: « Trente ans de stagnation du salaire réel. » « Si l’on ne s’attaque pas d’urgence aux insécurités qui touchent le précariat et ses aspirations, nous assisterons à l’émergence d’un monstre politique », explique-t-il. Il a déjà pointé le bout de son nez, en France, avec les gilets jaunes notamment. Un phénomène qui devrait alerter plus fort les politiques, à gauche spécialement, note le géographe Christophe Guilluy. « Mais ils ne l’avaient pas vu parce que ces gens sont sortis de leur champ de vision. » D’ailleurs, la précarité énergétique, qui les avait déjà mobilisés en 2018 sur la seule question du gasoil, va encore s’aggraver et alourdir la précarité financière et, en France, le mouvement s’est réactivé, sur ces bases notamment…
Le documentaire, pour l’Hexagone en tout cas, montre une « décomposition politique par le bas » qui pousse les plus précaires vers l’extrême droite ou l’abstention. Elle s’explique aussi, selon Guilluy, par les réformes successives du marché du travail, en France (où la « bascule libérale » de la gauche en 1983 n’est pas innocente, appuie-t-il) comme en Allemagne, qui coupent les classes moyennes inférieures en décrochage de toute socialisation. C’est « l’insécurité existentielle » que théorise Guy Standing: quand on ne vit que « des fragments de vie », quel sens lui donner? En parallèle, on note que la part du travail temporaire dans nos sociétés ubérisées ne cesse d’augmenter. Certains des témoins interrogés dans le film ont choisi de se « rebeller ». « Nous ne sommes pas qu’une statistique », dira l’un d’eux, mais « de vrais gens avec de vrais destins ». Ce n’est pas le vote Le Pen, inefficace dérivatif, qui retiendra notre attention : à Cologne, le jeune Tolga, peintre automobile sans débouchés, bien que précaire, est sur tous les fronts, pour les salaires, contre les hausses de loyer, les expulsions… « Les droits, ce n’est pas gratuit: il faut revendiquer! » insiste la sociologue du travail Mona Motakef. Des fragments de lutte qui, finalement, donnent un sens à la vie.
(article de Gregory Marin dans l’Humanité du 10/01/23)
Le lien vers le film :
https://www.arte.tv/fr/videos/110347-000-A/pauvres-malgre-le-job/
Où l’on voit les conséquences catastrophiques des politiques libérales imposées par l’Union européenne et nos gouvernements !
Comme le montre l’Humanité Magazine du 12 janvier, 40 ans de libéralisme, la France craque ! Et avec le documentaire on voit que la même cause provoque les mêmes effets dans toute l’Europe.. On pourrait même aller plus loin géographiquement. Jusque quand allons nous laisser faire ?