- Lu dans le courrier des lecteurs Ouest France, février 2023
- Billet de Maxime Tallant, étudiant en journalisme.
- Intervention de Bernard Jasserand, maire adjoint de Quimper
- L’ex Haut-Commissaire à l’énergie atomique dézingue l’inculture stupéfiante des politiques
- L’enjeu énergétique, par Jean-Marc Durand, revue Économie & Politique, constat et propositions
- Absurdistan électrique, article du Monde Diplomatique de décembre 2022
- Relever le défi énergétique, tract du PCF
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Billet de blog publié dans Mediapart le 28/11/2022 par Maxime Tallant
L’électricité, un bien commun dans les mains du marché
Le 29 août dernier, le sénateur communiste Fabien Gay laisse exploser sa colère sur la libéralisation du marché de l’électricité : « Ce sont des requins et dès qu’ils peuvent se goinfrer, ils le font sur notre dos ! ». Cette scène témoigne d’une colère partagée par bon nombre de citoyens. Comment un bien commun se retrouve aux mains du marché ?
- Une crise inévitable ?
Nous sommes le 1er octobre 2021, soit environ quatre mois avant que la folie de Vladimir Poutine ne s’abatte sur l’Ukraine. Pour les consommateurs, le tarif réglementé du gaz s’envole depuis des mois. Ce 1er octobre il vient même d’atteindre 12,6% d’augmentation. Pourtant, la Russie n’a pas encore coupé ses livraisons et entamé sa guerre énergétique, ce qui justifierait l’augmentation.
Pourtant la crise est là et comprime déjà le pouvoir d’achat des ménages. Le spectre des gilets jaunes plane de nouveau sur la France. Si les gouvernements espagnols ou italiens prennent des mesures, en France l’exécutif tempère. Le 30 septembre, Jean Castex, invité du 20h de TF1 se veut rassurant : « nous avons à gérer une bosse ». Pour le premier ministre, la reprise de la demande post-covid, unique responsable, devrait s’atténuer dans les mois à venir. Tout devrait rentrer dans l’ordre.
Il est rétrospectivement facile de distribuer les points aujourd’hui. Mais la crise inédite que nous traversons était-elle si imprévisible ? Si l’on en croit certains économistes spécialistes de l’énergie, la crise était en réalité annoncée. En 2010, l’économiste Raphaël Boroumand soutient une thèse intitulée : « Fonction d’intermédiation et dynamique concurrentielle : le cas de la fourniture sur les marchés électriques ». Dans son résumé, disponible en source libre, on peut notamment lire : « les spécificités de la concurrence de détail électrique les incitent à adopter des comportements-prix parallèles pour maximiser leur profit ». En somme, l’électricité n’est pas un bien adapté à la concurrence. Puisqu’on ne peut la stocker, le réseau doit se maintenir en permanence à 50 Hertz. Dès lors, la demande doit parfaitement se superposer à l’offre. Devant cette évidence, les contraintes physiques l’emportent. Une évidence pourtant balayée par Bruxelles qui préfère s’en remettre, comme toujours, au marché.
- Libéralisation aveugle
Fin 2021, toutes les conditions se sont alignées pour mettre en lumière l’absurdité du marché européen. Un hiver froid, une reprise de la demande désordonnée et un manque de vent en Europe du Nord. Le cocktail fait voler en éclat le marché. Les prix du gaz TTF s’envolent entraînant inévitablement ceux de l’électricité. Toute l’absurdité se trouve ici, dans ce lien entre les prix du gaz et de l’électricité. Le marché a été construit sur des fondations irrationnelles.
En Europe, le gaz est devenu une énergie incontournable. Cette mutation a notamment changé les relations géopolitiques. L’Europe est désormais dépendante de nombreuses dictatures comme la Russie ou le Qatar pour ses livraisons de GNL. L’avènement du gaz comme énergie de référence est une conséquence directe de la libéralisation. En effet, pendant des décennies, les européens ont passé des contrats à long terme afin d’assurer leur sécurité d’approvisionnement. La libéralisation a progressivement amené les européens à s’en remettre à la main invisible du « marché spot ».
Communément appelé « marché de gros », le marché spot fonctionne de gré à gré. En clair, les prix sont fixés pour une livraison immédiate. Ce jeu entre l’offre et la demande se déroule sur la plateforme néerlandaise « Title Transfer Facility », devenue la référence. L’électricité se trouve désormais à la merci d’un marché extrêmement volatile. L’Europe de l’énergie, actée au sommet de Barcelone en 2002, devait faire baisser les prix. Vingt ans après, les tarifs de l’électricité ont augmenté de 70 % en France.
Nous l’avons dit, l’électricité est bien inadaptée à la concurrence. Parce que l’électricité n’est pas stockable, parce que le réseau doit être alimenté en continu, un grain de sable peut faire dérailler le marché. Tous les spécialistes du trading le disent : le marché de l’électricité est assurément le plus imprévisible. Mais toutes ces évidences ont été balayées par Bruxelles guidée par une libéralisation aveugle.
- Le mécanisme du « merit-order », prime à l’inefficience
L’ensemble des pays européens est donc exposé à l’un des marchés les plus volatiles pour un bien commun indispensable. Mais en politique, l’absurdité n’est pas un obstacle. Dès lors, pour comprendre en profondeur les enjeux de la libéralisation, il faut se pencher sur son mécanisme de fixation des prix.
Avant qu’il ne soit éclaté, le marché fixait les prix sur le coût moyen de production. Un moyen de déterminer la performance des opérateurs et d’assurer une stabilité en période de tension. Désormais, comme dans la plupart des marchés, les prix sont fixés selon le coût marginal. Ce mécanisme appelé « merit-order » fait appel aux différentes sources de productions d’électricité selon la demande et leur coût marginal. Ainsi, lorsque la demande est faible, les unités de productions sollicitées sont celles dont le coût marginal est le plus faible comme les énergies renouvelables. En revanche, lorsque la demande est forte, elle sollicite les coûts marginaux les plus forts et les plus polluants comme les centrales à gaz. En d’autres termes, c’est le prix de la centrale la plus polluante et obsolète mais nécessaire à l’équilibre du marché qui fixe les prix. La construction du marché de l’électricité donne donc prime à l’inefficience et nous rend inévitablement dépendant du prix du gaz. Une énergie pour laquelle les européens dépendent notamment de la Russie…
- EDF, la construction d’une concurrence factice
Si vous pensiez que les néolibéraux manquaient d’imagination, le démantèlement d’EDF devrait vous faire changer d’avis. Nous l’avons vu, la dérégulation du marché de l’électricité est dictée par la commission européenne depuis le sommet de Barcelone en 2002. Si cette dérégulation a été actée par Bruxelles, c’est aussi parce qu’elle est la seule configuration qui permet d’intégrer une concurrence virtuelle en cassant les producteurs historiques.
En 1946, Marcel Paul crée EDF/GDF. L’entreprise est alors en situation de monopole. Elle produit, transporte et distribue l’électricité française. Dans les années 90, la libéralisation devient le mot d’ordre, tout doit être marché. Mais comment faire lorsqu’une entreprise est la seule capable d’assurer l’approvisionnement d’un pays entier ? Une épineuse question devant laquelle les libéraux vont redoubler d’imagination. Quand le marché n’existe pas, on le fabrique de toute pièce.
Ainsi, depuis la dérégulation, une nuée de fournisseurs alternatifs est apparue pour vendre de l’électricité aux consommateurs. Ils ne produisent rien, n’ont pas d’installation, n’interviennent pas dans la distribution mais ils facturent…Ils transfèrent la rente nucléaire publique au privé.
Ces fournisseurs alternatifs sont donc les profiteurs d’une concurrence factice, montée de toute pièce. Cependant, pour que la mayonnaise libérale puisse prendre, encore faut-il que les fournisseurs soient en mesure de concurrencer EDF et ses tarifs réglementés.
Dans ce contexte, en 2010, la loi NOME a prévu la mise en place d’un dispositif qui est entré en vigueur en 2015 : le mécanisme de l’« accès régulé à l’énergie nucléaire historique » (ARENH). Ce mécanisme force EDF à mettre 25 % de sa production d’électricité à disposition de ses concurrents privés, à prix coûtant, fixé à 42€ le MWh. Imaginez si Renault vendait ses propres voitures à Peugeot à des prix dérisoires pour que Peugeot les revende plus chères…
En contrepartie de cette faveur, les alternatifs devaient investir dans les quinze ans dans la production. En 2022, à la surprise générale, ils n’ont pas investi un seul centime dans la production, ce qui fait douze ans de rente nucléaire.
- Pile tu perds, face je gagne
Pour comprendre, jusqu’où va ce « racket organisé » comme le surnomme Fabien Gay, il faut s’intéresser au rôle de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). En 2000, cette autorité « indépendante » est créée pour veiller sur le marché dans l’intérêt du consommateur, une belle promesse. Si les tarifs réglementés de l’électricité augmentent, c’est bien parce que cette discrète autorité œuvre activement en faveur des fournisseurs alternatifs. Il semble en effet, que le succès de sa mission se mesure en nombre de consommateurs ayant abandonné les tarifs régulés de l’électricité proposés par EDF.
Nous l’avons expliqué, pour assurer une concurrence face à EDF, les alternatifs doivent être en mesure de faire face aux tarifs régulés. Ces derniers fonctionnent donc à l’inverse de toute théorie économique. Au lieu d’être des prix planchers, ils constituent des prix plafonds. Dès lors, pour organiser la concurrence, il s’agit d’augmenter artificiellement les prix régulés de sorte que les prix proposés par les alternatifs soient en mesure d’être adoptés par les consommateurs.
Dans ce cynisme libéral, la CRE joue un rôle de premier plan. Le 5 mars 2019, elle constate qu’encore 80 % des clients choisissent les offres régulés plutôt que les « offres de marché ». Elle décide donc d’augmenter artificiellement le tarif régulé pour rendre les offres « marché » des fournisseurs à nouveau compétitives. Une décision qui a fait sauter au plafond l’Autorité de la Concurrence, qui a émis un avis très défavorable à la hausse demandée par le CRE.
Pour la Commission européenne et la CRE, ces cadeaux ne semblent pas suffire. La rente nucléaire ne profiterait pas assez au privé…Tandis que le gouvernement vient de mettre en place un bouclier tarifaire, les alternatifs demandent plus d’Arenh. Au lieu des 42 TWh soutirés à EDF, la CRE leur accordent 100 TWh via la loi pouvoir d’achat. Le gouvernement a donc choisi de poursuivre un contrat pour lequel les consommateurs payent le prix fort depuis douze ans. Pire encore, le supplément d’Arenh qu’EDF doit fournir aux alternatifs est acheté sur les marchés de gros à 250 € le TWh pour le revendre à 46 € ! Dans un avis cinglant, l’Autorité de la concurrence avait vertement critiqué le projet de réforme tarifaire de la CRE « à faire supporter la charge financière liée au dépassement du plafond aux consommateurs plutôt qu’aux fournisseurs ». Une rare opposition entre deux autorités sur un même sujet.
Le cynisme des fournisseurs alternatifs s’est magnifiquement illustré lors de la période Covid-19. Alors que la pandémie se répand sur l’Europe, les annonces de confinements successifs font chuter le marché de l’électricité à de 46 € à 21 € le TWh. Dès lors, les tarifs offerts par l’ARENH ne sont plus attractifs. Sans scrupule, à l’instar de Total, ils demandent à EDF de résilier leur contrat. Dès la fin du confinement, lorsque les prix du marché remontent, les alternatifs reviennent toquer à la porte de l’ARENH.
Cet épisode est une parfaite allégorie de la libéralisation qui aboutit à des situations de rente et un démantèlement en règle des services publics. En réalité, la concurrence réelle et non faussée promise par le libéralisme est une fable dont les citoyens subissent les conséquences. Alors que nous traversons une crise énergétique et climatique sans précédent, la loi du marché reste souvent l’axiome des décisions françaises et européennes. Pourtant, son inefficience n’est plus à prouver.
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https://pcbigouden.fr/marche-de-lenergie-limmense-gabegie-declaration-de-bernard-jasserand-maire-adjoint-pcf-de-quimper/
L’ex Haut-Commissaire à l’énergie atomique
dézingue l’inculture stupéfiante des politiques
Entendu à l’Assemblée nationale par la Commission d’enquête sur la souveraineté et indépendance énergétique, Yves Bréchet, Haut-Commissaire à l’énergie atomique de 2012 à 2018 a pointé, face aux députés, « l’inculture scientifique et technique de notre classe politique », selon lui « au cœur du problème » dans la politique énergétique française.
Avant de quitter ses fonctions à la tête d’EDF en septembre, Jean-Bernard Lévy livrait contre les dirigeants français un réquisitoire implacable. Bis repetita ce mardi 29 novembre : à l’heure où la France est menacée par une pénurie d’électricité, c’est au tour d’Yves Bréchet, Haut-Commissaire à l’énergie atomique de 2012 à 2018, de sonner la charge. Entendu à l’Assemblée nationale par la Commission d’enquête sur la souveraineté et indépendance énergétique, le polytechnicien, membre de l’Académie des sciences et président du conseil scientifique de Framatome, était interrogé sur les causes du marasme dans lequel se trouve le nucléaire français, dont la moitié du parc est aujourd’hui à l’arrêt. Sans exonérer les acteurs de la filière de leurs responsabilités, Yves Bréchet a pointé, face aux députés, « la question de l’instruction scientifique des dossiers politiques », selon lui « au cœur du problème ».
« La faiblesse des analyses conduisant aux décisions de l’État pose question », alerte l’expert « têtu mais pas obstiné », ayant refusé un troisième mandat de Haut-commissaire, faute d’avoir été entendu. « Il est important de comprendre comment la cohérence d’une stratégie industrielle a cédé la place à l’opportunisme d’une stratégie de communication », explique-t-il sans ambages. C’est au lance-flammes que passe la politique énergétique et industrielle française des quinze dernières années :
« La doxa prônant le passage de 75 à 50 % de la capacité électro-nucléaire, la confusion entre la puissance installée et la puissance délivrée, l’omission des coûts de réseau et de stockage dans l’évaluation des aspects économiques des différentes sources d’électricité, le refus de procéder à une analyse de fond des expériences faites chez nos voisins, témoignent au mieux d’une naïveté confondante », lance Yves Bréchet.
Lequel enfonce le clou, en ajoutant :
« La propension à considérer que les technologies en développement – l’hydrogène comme vecteur énergétique, les smart-grids – peuvent être, en situation d’urgence climatique, des technologies à déployer massivement, dans l’instant, témoigne d’une méconnaissance profonde des délais de développement. (…) Inversement, la procrastination sur toutes les décisions concernant le nucléaire et la politique d’annonces dans l’attente de décisions concrètes de mise en chantier montrent une ignorance stupéfiante de l’inertie intrinsèque des industries lourdes et de la nécessité d’une vision stable à long terme pour conserver l’outil industriel au bon niveau. L’incapacité à penser l’ensemble d’un système énergétique conduit à des PPE [Programmations pluriannuelles de l’énergie, N.D.L.R.] qui sont un collier de perles gadget au moment où on aurait besoin d’un câble robuste. » Outch.
Qui est responsable de ces errements ? Si les fautes politiques sont régulièrement pointées dans la gestion du dossier énergétique, elles le sont rarement avec autant de force.
« Ces constatations sont autant de signes que l’analyse scientifique et technique a déserté les rouages décisionnels de l’État sur ces sujets », juge ainsi l’ancien Haut-commissaire – un poste particulier, conseillant à la fois le Commissariat à l’énergie atomique et l’exécutif sans aucune tutelle hiérarchique, ce qui garantit une parole très indépendante. La preuve dans cette sortie, adressée aux députés de la commission :
« Au-delà des anciens ministres que vous pouvez auditionner pour le fun, en étant à peu près sûr de n’avoir que des effets de manche, c’est dans les structures des cabinets et de la haute administration, qui sont censés analyser les dossiers pour instruire la décision politique, qu’il faut chercher les rouages de la machine infernale qui détruit mécaniquement notre souveraineté énergétique et industrielle. »
Carriérisme
« Pourquoi, en six ans de mandat et malgré les demandes réitérées, je n’ai vu se tenir le comité à l’énergie atomique que deux fois, alors qu’il aurait dû être réuni chaque année ? (…) Pourquoi est-il rarissime d’avoir un retour sur un rapport technique ? Pourquoi les avis réitérés de l’Académie des sciences, de l’Académie des technologies, sont-ils reçus dans un silence poli ? », demande encore Yves Bréchet.
Selon lui, il faut d’abord chercher dans « l’inculture scientifique et technique de notre classe politique » la cause primaire de ces dysfonctionnements.
« Dans la génération qui a reconstruit le pays, les élèves de l’ENA recevait un cours de Louis Armand– polytechnicien et résistant ayant dirigé la SNCF après-guerre, puis Euratom, ndlr. – sur les sciences et les technologies de la France industrielle. Il faut avoir eu ce cours entre les mains pour comprendre ce que ça voulait dire : ça ne faisait pas d’eux des ingénieurs, cela leur donnait la mesure du problème. »
L’aréopage de conseillers gouvernementaux ne sort pas indemne, lui non plus, de cette audition. « Quel que soit le prestige de leurs diplômes, ils se retrouvent à conseiller sur des sujets qu’ils ne maîtrisent généralement pas un ministre qui ne se pose même pas la question, mitraille le scientifique devant des députés moitié amusés, moitié interloqués. Leur première préoccupation sera trop souvent de ne dire à leurs ministres que ce qu’il a envie d’entendre pour ne pas nuire à leurs carrières à venir. »
Déplorant que « l’analyse scientifique des dossiers soit systématiquement ignorée, broyée par effet de cour qui était au service des gouvernants plus qu’à celui du pays », Yves Bréchet martèle le message :
« Au fond, c’est l’instruction scientifique et technique des dossiers politiques qui doit être repensée de fond en comble. Que les corps techniques de l’État forment correctement leurs jeunes, au lieu de se contenter d’être le chien de garde de chasses gardées. Que les conseillers soient en état de conseiller, c’est-à-dire réapprennent à analyser le fond des dossiers et à challenger les experts. »
Il n’est pas certain que la destruction des grands corps publics (préfets, diplomates ou inspecteurs) initiée par Emmanuel Macron au profit d’une logique se rapprochant du fonctionnement du privé aille exactement en ce sens.
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L’enjeu énergétique, par Jean-Marc Durand
Aucun citoyen ne peut ignorer la hausse des prix de l’énergie, en particulier du gaz, dont +12,6% au 1er octobre 2021 après 7,9% au 1er septembre, 5,3% en août, 10% en juillet, soit au total 57% pour l’année 2021 avant le déclenchement de la guerre en Ukraine qui a fait exploser les prix.
La facture d’électricité, elle, a augmenté de 10% en 2020 et de 4% début 2022, limitée, pour les usagers d’EDF bénéficiant du TRV (Tarif Règlementé de Vente) par le « bouclier tarifaire » gouvernemental à la veille de la double échéance présidentielle et législatives, alors que la hausse légale aurait dû atteindre 34,5%.
Le 23 septembre 2021, Fabien Roussel député, secrétaire national du PCF interpelait le Président de la république, lui demandant de bloquer les prix de l’énergie, car ce sont des décisions politiques qui organisent la hausse. La principale raison, dont tous les grands médias ne parlent pas, c’est la « libéralisation » de l’énergie. Elle est devenue un « marché » en Europe ou la spéculation s’amplifie, portée par le déficit allemand consécutif à l’arrêt du parc nucléaire de ce pays.
L’explosion du prix de l’électricité sur le « marché de gros européen » est due à une décision absurde des institutions
Européennes qui ont indexé le prix de l’électricité sur celui du MW (MégaWatt) électrique produit par la dernière centrale mise en route, donc au gaz dont le prix a multiplié par 20 depuis début 2021. C’est un choix politique qui pèse sur les collectivités locales avec des hausses allant de 100 à 350%, conduisant au choix d’arrêter l’éclairage public la nuit, à la fermeture des piscines municipales .…
Ce même choix politique qui augmente la facture jusqu’à 816% pour le « Syndicat départemental d’électricité de la Drôme, 900% pour Jacob Delafon dans le Jura, handicape lourdement les entreprises. Des branches industrielles aluminium, sidérurgie électrique, zinc, verrerie, engrais azotés…réduisent leurs productions ou sont à l’arrêt.
Cette libéralisation a été orchestrée par la « Commission Européenne » avec la caution de tous nos gouvernements successifs. La situation en France est singulière. EDF est obligé d’importer des MW alors que naguère la France était exportatrice.
D’une part pendant des années EDF n’a pas eu les moyens d’investir dans un contexte où les gouvernements et des forces politiques orchestraient la « sortie du nucléaire ».
D’autre part la période du confinement COVID a retardé les travaux de maintenance du parc nucléaire. Enfin depuis 10 ans les gouvernements successifs ont détruit 12 700 MW de capacités de production, équivalent de 14 réacteurs nucléaires 1ère génération, dont la centrale de Fessenheim, 1800 MW, en parfait état de marche. C’est aussi un choix politique dont les responsables doivent rendre compte.
Enfin EDF entreprise publique est pillée par le dispositif ARENH (Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique). L’ARENH oblige EDF à vendre le quart de sa production 120 TW h (Téra Watts heures) à ses concurrents, à 46,2 €. Or dans son rapport du 13 décembre 2021, la Cour des Comptes montre que le coût réel du MW nucléaire est de 64,8 euros. En réalité, les difficultés actuelles du parc nucléaire à produire ses 120 TWh font que les 25% initiaux représentent beaucoup plus que prévus, aggravant encore le déficit. Ce pillage institutionnel paralyse l’entreprise publique.
Aujourd’hui des familles ne vont plus pouvoir se chauffer, devoir choisir entre se chauffer ou se nourrir correctement…
Des communes vont se retrouver en cessation, de paiement, qui plus est avec la cure d’austérité que le PLF 2023 veut leur infliger même si le gouvernement leur promet une enveloppe de 43 millions pour faire face aux coups durs. Des entreprises des commerces vont devoir mettre la clé sous la porte, des stations de ski ne seront asphyxiés, des universités mises en veille, avec des conséquences énormes en termes de chômage, de vie sociale. Tous les ingrédients pour précipiter l’entrée en récession de la France car toutes ces ruptures d’activités auront des conséquences directes sur la croissance. Déjà les prévisions ne sont plus que de 1% pour 2023. Alors dans 3 mois ? !.
Je veux rappeler aussi les interventions sur cette question de plusieurs autres niveaux et qui s’accélèrent en cette période.
- Lettre du 25 janvier du Président de l’AMF à M J Castex alors 1er Ministre pour l’alerter sur la hausse des prix de l’énergie et lui demander de mettre en oeuvre des solutions viables pour les collectivités locales.
- Le 19 septembre, L’AMF demande le retour à l’accès au tarif réglementé pour l’ensemble des collectivités locales.
- Le 20 Septembre, on apprend que M. Jacques Creyssel, délégué général de la fédération du commerce et de la distribution alerte sur le risque majeur pour certains commerces et commerçants qui risquent tout simplement de tirer le rideau car ils ne pourront pas payer leur facture d’énergie. Il demande la déconnexion du prix du gaz et de l’électricité au plan européen, comme cela s’est fait en Espagne et au Portugal.
Les Propositions du PCF :
- Abaissement de la TVA sur la consommation domestique de 20 à 5,5% pour l’électricité et le gaz y compris en bouteilles (usagers + nombreux que abonnés gaz de ville) C’est acquis en Belgique depuis 1er février pour les deux, Espagne depuis 1er juillet pour électricité,1er octobre pour gaz, Allemagne 1er octobre pour gaz (500 euros par foyer a calculé le gouvernement allemand).
- Retour au TRV pour les collectivités locales, ce qui implique de supprimer, ou suspendre l’ARENH (Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique) afin de remettre à disposition d’EDF les 120TWh que l’entreprise publique vend à perte à ses concurrent, 100 TWh à 42 Euros le MW, 20TWh à 46,2 quand le marché est de 350 à 600 euros. EDF est obligé d’acheter à ces derniers tarifs les volumes qui lui manquent pour fournir ses usagers Déclaration des 4 syndicats représentatifs d’EDF le 11 juillet 2022 demande aussi sortie ou suspension de l’ATENH : la loi le permet !
- Découpler le prix de l’électricité de celui du gaz formule inventée par la Commission Européenne. Le prix du MW électrique étant indexé sur le prix du MW sortant de la dernière centrale mise en route donc au gaz dont le prix a multiplié par 20 depuis le 1/1/2021.
- Le PCF demande la nationalisation d’Edf et d’Engie pour le retour en maitrise publique et sociale de toutes les productions d’énergie dont les ENR pour sortir notamment du scandale du financement du capitalisme vert et du pillage d’EDF illustré par le tarif de rachat de la production du parc éolien de St Brieuc de la multinationale espagnole Iberdrola : 155 euros le MW le plus cher en Europe et au monde.
Quelques chiffres : tout le monde y passe :
Stations de ski : L’Alpe d’Huez va voir sa facture d’électricité multipliée par 10 de : 2 à 20 millions €. Pour le ski cet hiver, cela va devenir chaud si on peut ainsi s’exprimer avec des centaines d’emplois à la clé.
Communes :
À Saint-Barthélemy-de-Vals, la facture d’électricité passe de 16 800 à31 600 euros (de 18 000 à57 000 euros pour le gaz).
À Mirabel-aux-Baronnies pour une dépense d’électricité de 42 667 euros en 2021, la prévision de 2022 s’élève à77 259 euros, soit une hausse de 81 %.”
Syndicat départemental d’irrigation de la Drôme +816%
Hôpitaux :
L’Hôpital « anticancéreux » Gustave Roussy la hausse est de 190% pour l’électricité, 550% pour le gaz.
Universités :
L’université de Strasbourg qui va fermer deux semaines la dépense électricité/gaz passe de 10 millions d’euros en 2021 à 20 millions, prévision 2023
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Avec hydraulique (13%) et nucléaire (70%) EDF produit l’électricité la plus propre d’Europe. France : 44 grammes de CO2 par KW produit :
Belgique : 134 – Danemark : 175 – Hollande : 332 – Allemagne : 397 – Pologne : 917
Source : European Environment Agency
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Le coût exorbitant d’une libéralisation
cliquer ci-dessous pour l’article en pdf
Absurdistan électrique, article du Monde Diplomatique, déc 2022
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Tract du PCF sur ce sujet
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Le marché de l’électricité : » un scandale ! « |
Voir sur LCP
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Le secrétaire du Comité social et économique central (CSEC) d’EDF, Philippe Page Le Mérour, auditionné à l’Assemblée nationale, dénonce le « scandale » du marché de l’électricité ; le tout premier Conseil national de l’énergie en région : c’est au programme de votre nouvelle note d’information ! |