Après les annonces présidentielles sur « la fin de l’insouciance et de l’abondance », le gouvernement d’Élisabeth Borne engage des mesures de régression.
Des appels à la mobilisation sociale ont été lancés.
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(ci-dessous 4 articles publiés dans L’Humanité 5 et 6 Septembre 2022, Pierre Chaillan)
1 – Face à une dégradation sociale, la mobilisation générale en faveur d’une autre répartition des richesses peut permettre d’imposer d’autres choix.
par CATHERINE PERRET, Secrétaire confédérale de la CGT
La rentrée est difficile cette année encore pour de très nombreux et très nombreuses travailleur·ses, jeunes, privé·es d’emploi et retraité·es. Pour elles et eux, il n’est pas question d’abondance ! Au-delà du contexte international préoccupant, la question de « la fin du mois » est sur toutes les lèvres.
La CGT, dès juillet, a exigé dix mesures d’urgence, dont en priorité un Smic à 2 000 euros brut, soit un salaire horaire de départ à 15 euros, et la revalorisation de tous les échelons de rémunération. Et comme aucun acquis n’a jamais été obtenu sans un rapport de forces, le syndicat a annoncé, dès le début de l’été, une grande journée de grève de toutes les professions le 29 septembre. Celle-ci est centrée sur les salaires, les pensions et les minima sociaux qui doivent être augmentés. Quoi qu’en dise le représentant du Medef, c’est bien le coût du capital qu’il faut combattre, alors que la rémunération moyenne d’un dirigeant du CAC 40 atteint 8,7 millions d’euros et a doublé en deux ans.
Il n’y a rien à attendre des pseudo-concertations du président de la République.
Face à cette situation sociale très dégradée, l’ensemble des organisations syndicales et de jeunesse portent ensemble, pour la première fois depuis plus de dix ans, la revendication des augmentations générales de salaires et une meilleure répartition des richesses. C’est un point d’appui essentiel pour construire un mouvement social de nature à transformer le travail et plus largement à stopper les mauvais coups à venir.
En effet, les décisions gouvernementales en matière de pouvoir d’achat non seulement ne répondent pas aux besoins du monde du travail mais constituent de nouvelles attaques contre le droit du travail et le financement d’une protection sociale solidaire fondée sur les cotisations sociales. Cela nécessite de privilégier l’action des salariés autour de leurs organisations syndicales pour bâtir un mouvement de grève d’ampleur en capacité de paralyser l’économie, dès le 29 septembre et au-delà. La CGT salue d’ailleurs le soutien des partis politiques d’opposition aux mobilisations syndicales des 22 et 29 septembre.
Il n’y a rien à attendre des pseudo-concertations mises en avant par le président de la République, qui nourrit de nouvelles réformes régressives, de l’assurance-chômage à la retraite. C’est bien là une insulte au Conseil national de la Résistance (CNR) !
Les services publics sont particulièrement affaiblis, l’hôpital est à bout de souffle, l’école fragilisée, que dire de la pénurie de pompiers face aux incendies et aux dangers du dérèglement climatique. Ainsi, en amont du 29 septembre, la journée d’action pour la santé et la défense de notre Sécurité sociale, le 22 septembre, portera les revendications à la fois des professionnels de ces secteurs et des usagers avec de nombreuses initiatives en territoire.
À nous de faire aussi bien qu’au Royaume-Uni, en organisant des grèves massives dans chaque secteur professionnel, toutes et tous ensemble, le 29 septembre pour réclamer des hausses de salaires en phase avec l’augmentation des prix.
2 – Contre la politique néolibérale, les forces syndicales, politiques et associatives peuvent constituer une alternative, en s’appuyant sur la création de la Nupes.
par KARL GHAZI, Coprésident de la Fondation Copernic
Il est fréquent de lire, en cette veille de rentrée, qu’Emmanuel Macron ne gouvernerait qu’au gré des crises et que cela révélerait une « absence de cap » que son propre camp lui reproche. Pourtant, si le chef de l’État n’a jamais boudé les retournements opportunistes, son cap stratégique néolibéral est intangible. Les attaques contre les salaires, la protection sociale et les services publics sont, comme lors du premier quinquennat, au premier chef de ses priorités. Le désastre écologique en cours ? Une affaire de responsabilité individuelle qui ne doit ni contraindre les entreprises ni… les individus fortunés. L’égalité des femmes et des hommes ? Encore des mots, toujours des mots… L’antiracisme ? Oui, lorsque le RN est au second tour de la présidentielle. La démocratie ? Une élection tous les cinq ans, le mépris et la répression pendant cinq ans.
Les enjeux exigent de réunir le front le plus large et tous ceux prêt à se battre.
Le rouleau compresseur destructeur de nos vies et de la planète est bien huilé, prêt à poursuivre sa course désastreuse. Or, nos instruments de résistance, de conquête sociale, nos consciences de classe et les horizons politiques porteurs d’espoir ne sont pas sortis indemnes de cette longue séquence libérale. Les reculs sociaux se sont accumulés et, avec eux, un désespoir que l’extrême droite réussit à canaliser en partie, retournant le ressentiment vers celles et ceux dont la condition est inférieure. L’édifice, pourtant, montre ses faiblesses. La crise de 2008, le creusement abyssal des inégalités, les explosions sociales qui en sont la conséquence, le désastre écologique dont les effets éclatent aux yeux de tous, la guerre : tout contribue à montrer où mène le néolibéralisme. L’espoir peut donc succéder au sentiment d’impuissance. Alors que, pour la troisième fois depuis 2002, la gauche ne figurait pas au second tour de l’élection présidentielle, la naissance de la Nupes à la veille des législatives est apparue comme un petit miracle qui a redonné de la vigueur à l’idée d’une alternative.
La violence de la campagne macroniste contre cette alliance a été à la mesure de l’événement : pour la première fois depuis fort longtemps, la gauche est apparue unie à une élection majeure autour d’un centre de gravité nettement antilibéral, et porteuse d’une alternative politique crédible. Et même si le régime de la Ve République reste fortement déséquilibré, la Nupes permet de revitaliser l’Assemblée nationale. Un espoir est donc né, qui peut aussi se traduire sur le plan des mobilisations sociales. Des victoires sont possibles, que ce soit sur les salaires, la protection sociale, les services publics, l’égalité des droits, le rejet clair des discours sécuritaires et racistes, l’état d’urgence écologique et la transformation démocratique.
Nous ne remporterons pas recroquevillés sur nos quant-à-soi les batailles qui permettront à cette espérance de se développer. Les enjeux sont immenses : ils exigent de réunir le front le plus large, qui rassemble les organisations politiques, les mouvements syndical et associatif, les intellectuels et les artistes, prêts à se battre ensemble. Si la colère populaire trouve à s’exprimer dans ce large front, alors les prochaines semaines pourraient être décisives.
Pour aller plus loin
Sur le site de la CGT « Pouvoir d’achat : dix mesures d’urgence »
Sur le site de la fondation-Copernic « L’inflation, symptôme d’un modèle néolibéral en bout de course »
Après les annonces sur « la fin de l’insouciance et de l’abondance », le gouvernement d’Élisabeth Borne engage des mesures de régression. Les forces politiques de gauche soutiennent la mobilisation syndicale.
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3 – Après la Fête de l’Humanité, premier rendez-vous de la rentrée, une riposte globale s’engage avec les journées de mobilisation des 22 et 29 septembre.
par Aymeric Seassau, responsable entreprises et travail du PCF
Comme dans les mauvaises séries, la saison 2 du pouvoir Macron s’annonce pire que la première, plus violente et plus hasardeuse. Seule la trame initiale ne change pas : protéger « quoi qu’il en coûte » les intérêts des puissances d’argent en dynamitant le pacte social républicain. Avec une majorité relative, il choisit de composer avec une droite désormais dominée par son extrême et d’organiser un débat sur l’immigration à l’automne, là où l’opinion et les mobilisations sociales se concentrent sur le pouvoir d’achat.
Ne nous y trompons pas, Macron veut lancer le « conseil national de la refondation de la République » pour l’utiliser comme paravent validant sa politique de casse… jusqu’à salir la mémoire du Conseil national de la résistance, qui avait, lui, permis des avancées faisant reculer la domination capitaliste. Le choix des « jours heureux », en référence au CNR de Fabien Roussel, fait écho aux enjeux de notre temps. L’instauration d’« une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie » reste d’actualité pour qui subit les hausses de prix sans hausses de salaires.
C’est à l’entreprise, cœur de la domination capitaliste, que nous voulons porter le fer.
Instrumentalisant cyniquement la guerre en Ukraine et la crise écologique, Macron poursuit une entreprise de démolition économique et sociale globale qui appelle à une riposte globale. Pour les communistes, il convient d’articuler la réponse aux besoins immédiats (l’augmentation des salaires), à l’ouverture de grands chantiers comme une sécurité d’emploi et de formation (répondant aux tensions qui se font jours dans nombre de métiers) et à l’obtention de nouveaux pouvoirs pour les travailleurs dans leur entreprise.
Parce qu’il ne suffira pas de s’attaquer ponctuellement aux super profits (même en les « super taxant »), ni à soutenir le portefeuille des ménages avec des chèques d’argent public, mais bien d’opposer à Macron et aux forces libérales qu’il incarne un rapport de forces politique et social favorable au monde du travail et de la création. De ce point de vue, la mobilisation du 22 septembre pour l’emploi et les salaires dans la santé et celle interprofessionnelle du 29 septembre sur les salaires, à l’appel des organisations syndicales, sont de première importance.
Aujourd’hui comme hier « l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes » et c’est à l’entreprise, dans le cœur du moteur de la domination capitaliste, que nous voulons porter le fer parce que c’est ici que se mènera le rapport de forces. C’est pourquoi les communistes s’attelent à organiser le débat politique à l’entreprise. C’est aussi pourquoi la contribution des forces syndicales à la riposte à Macron est capitale et qu’il convient de créer les conditions de leur participation aux mobilisations politiques et sociales.
Les 9, 10 et 11 septembre, la Fête de l’Humanité sera le grand rendez-vous de la rentrée sociale, rassemblant les forces politiques de gauche et de nombreuses forces syndicales pour débattre, construire et agir ensemble. C’est urgent !
4 – Face à la maltraitance du pouvoir, il faut mener une bataille générale pour changer de cap en vue d’une harmonie entre les humains et la nature.
par Mathilde Panot, présidente du groupe LFI
La darmanisation du gouvernement est entamée. Emmanuel Macron promet une rentrée nauséabonde de maltraitance sociale contre les exilés, les chômeurs, les travailleurs épuisés qui espèrent pouvoir profiter de leur retraite. Il s’agit pour le pouvoir de faire diversion : cet été, les conséquences de nos alertes ignorées se sont étalées sous nos yeux. Le changement climatique disloque les chaînes de production. Le chaos du marché provoque pénuries et rationnement. Pour la rentrée scolaire, il manque 4 000 professeurs, 7 000 chauffeurs de car, des accompagnants d’élèves en situation de handicap, et l’inflation s’invite au menu des cantines.
Il n’y a pas de bifurcation écologique possible sans justice sociale.
Les députés du peuple sont donc en ordre de bataille. Nous avons un atout majeur pour lutter contre la Macronie : nous sommes du côté du réel. La stratégie du « un pied dedans, un pied dehors » consiste à rester attentif à ce qui se passe en dehors des dorures de l’Assemblée nationale pour y porter la parole du peuple. En juillet, nous avons mené une commission d’enquête populaire baptisée « Allô Ségur ». Les députés insoumis ont dressé avec les soignants la liste de tout ce qui manque à l’hôpital, des défibrillateurs aux petites cuillères. Un rapport en fera la synthèse et servira de point de départ à notre contre-projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
Nous sommes les premiers opposants, nous serons aussi les premiers proposants. La Nupes a déjà déposé deux propositions de loi : l’une pour inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution, l’autre contenant toutes les mesures d’urgence pour améliorer le pouvoir d’achat. Nos propositions ont été refusées par la nouvelle alliance allant de l’extrême centre à l’extrême droite. Mais nous continuerons : les 10 millions de pauvres, les 6 millions de chômeurs, les 8 millions de Français de l’aide alimentaire, les 13 millions qui peinent à se déplacer auront leurs défenseurs dans l’Hémicycle.
Notre cap, c’est l’harmonie entre les êtres humains et avec la nature. Notre écologie populaire répond aux besoins du plus grand nombre. Car il n’y a pas de bifurcation écologique possible sans justice sociale. Dans un océan de misère, l’urgence est donc d’arrêter de produire des riches. Nos voisins se sont résolus à taxer les superprofits. L’ONU, et même la Commission européenne et le FMI le recommandent ; 185 parlementaires et 4,7 millions de Français suffisent pour l’imposer à Macron. Au travail pour rassembler les signatures !
La bataille générale se mènera aussi dans la rue. Le rendez-vous est donné à la marche contre la vie chère, en octobre. La rentrée sera sociale ou ne sera pas. La Nupes est la seule opposition et alternative crédible à leur monde de malheur qui ne fait plus rêver personne. Le compte à rebours de la dissolution est enclenché. Nous sommes prêts à gouverner. Par la force du nombre, un autre monde de liberté, d’égalité et de fraternité est possible : le nôtre !