Lu dan la revue Ensemble (CGT) de mars 2022 :
Sébastien Menesplier : « Sortir l’énergie du marché, c’est assurer les tarifs les moins chers »
La fédération CGT mines-énergie vient de clore son 7e congrès sur fond d’explosion des prix et d’une guerre en Ukraine qui déstabilise le secteur. Son secrétaire général nous en dit plus.
En augmentation constante depuis des mois, les tarifs de l’énergie (électricité et gaz) se conjuguent, pour les consommateurs, à une remontée historique des prix des carburants à la pompe. Une situation aggravée par la guerre en Ukraine, qui a mis la question de la souveraineté énergétique au centre du débat public. Dans un tel contexte, EDF anticipe des résultats 2022 en chute libre. Plombée par le bouclier tarifaire du gouvernement, qui oblige l’énergéticien public à vendre son électricité à perte à ses concurrents privés, affaiblie par des problèmes de corrosion qui handicapent son parc nucléaire, l’entreprise vient de lancer une augmentation de capital pour renflouer ses caisses. Pour la CGT, la gravité de la situation exige la sortie de l’énergie, dans son ensemble, des mécanismes de marché. Le secteur devant être placé sous maîtrise publique totale.
EDF vient d’annoncer une augmentation de capital de plus de 3 milliards d’euros avec une participation de l’État à hauteur de 2,7 milliards d’euros. Cette recapitalisation est-elle une bonne nouvelle ?
C’est, une fois encore, un pansement sur une jambe de bois. Car tant que l’énergie, et en l’occurrence l’électricité, ne sera pas sortie des logiques de marché, EDF sera toujours en difficulté. Les comptes de l’entreprise ont été plombés par l’augmentation de l’Arenh (accès régulé à l’électricité nucléaire historique – NDLR), sur décision de l’État. Et même si l’État venait à annoncer une renationalisation d’EDF, nous ne crierions pas victoire. Nous ne donnons pas à ce mot le même sens. Renationaliser, c’est faire de l’énergie un bien de première nécessité, c’est revenir à une forme de souveraineté dans laquelle l’État organise la réponse aux besoins. Si réellement il s’agissait de renationalisation, EDF devrait changer de statut juridique, redevenir un établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) et non plus une société anonyme. Enfin, la gestion de l’entreprise serait démocratisée. Rien de tout cela n’a été fait, ni même envisagé. Donc, quand Emmanuel Macron évoque une « reprise de contrôle capitalistique », ce que cela recouvre demeure très flou. D’autant qu’il y a aujourd’hui trois acteurs majeurs dans le secteur : EDF, Engie et TotalEnergies – qui s’implante de plus en plus avec les énergies renouvelables, mais également en rachetant quelques moyens de production thermiques. Si l’État veut reprendre la main en montant au capital des entreprises publiques, quid de Total ? C’est la raison pour laquelle, dans notre programme progressiste de l’énergie, nous en appelons au retour à deux Epic nationalisés avec une gestion démocratisée.
Emmanuel Macron confirme également, s’il était réélu, la construction immédiate de six nouveaux réacteurs nucléaires EPR, la multiplication par dix de la puissance solaire et la création d’une cinquantaine de parcs éoliens en mer. Ces annonces vont-elles dans le bon sens ?
Là encore, derrière ces annonces, dont on ne peut pas dire qu’elles sont mauvaises, il n’y a rien de bien concret. Prenons les six EPR. Nous apprenons qu’ils devraient être exploités par EDF. Mais qui va les construire ? Quand ces programmes vont-ils commencer ? Combien vont-ils coûter ? Quel sera le niveau de la maîtrise publique ? Toutes ces questions n’ont pas de réponses. Nous nous félicitons que la France engage un programme pour relancer la filière nucléaire, pour construire de nouveaux outils de production pilotables, mais nous souhaitons surtout que tout cela soit réalisé sous maîtrise publique totale et que l’État donne les moyens à EDF de faire face à l’enjeu. Bien entendu, il faut travailler avec des industriels et des sous-traitants, mais il va d’abord falloir évaluer les compétences et assurer la formation à ces métiers très spécifiques. C’est ce que l’on a fait par le passé, avec le parc nucléaire historique. Il faut rouvrir les écoles de métiers.
« Nous avons besoin d’une autre stratégie en matière de stockage du gaz sur notre territoire. Il faut que la puissance publique reprenne la main et impose à Engie une autre politique en la matière. »
L’invasion russe en Ukraine a aussi remis l’énergie au centre des débats, sur fond d’augmentation historique des prix. La France et l’UE entendent en finir avec leur dépendance au gaz russe. Est-ce faisable ?
Nous avons besoin d’une autre stratégie en matière de stockage du gaz sur notre territoire. Il faut que la puissance publique reprenne la main et impose à Engie une autre politique en la matière. Si nos stockages avaient été pleins, si cette situation avait été anticipée, nous n’en serions pas là. La France ne produit pas de gaz, mais, avec une autre stratégie et une meilleure gestion, nous aurions fait en sorte de moins dépendre du gaz russe. Par ailleurs, même si la filière gazière est nécessaire et implique des coopérations et des liens à l’international, dépendre d’un fournisseur quasi unique est un problème. Encore une fois, il faut revoir l’organisation de ce service public. Et la première chose à faire est de sortir de ce marché à cause duquel nous ne maîtrisons pas les prix. Si l’énergie, dans son ensemble, n’était plus soumise aux lois du marché, nous pourrions assurer pour les usagers des tarifs les moins chers possible. Aujourd’hui, l’Union européenne tente de trouver d’autres fournisseurs que la Russie. Mais ça ne doit pas se traduire par des importations de gaz de schiste. Ce n’est absolument pas une énergie d’avenir. Nous devons travailler à construire des filières de gaz vert, de biométhane entre autres.
Le 7e congrès de la Fédération nationale mines-énergie CGT vient de s’achever. Vous en avez été réélu secrétaire général. Quels sont les grands enjeux de votre prochain mandat ?
Ma première satisfaction est d’avoir vu notre bilan d’activité voté à l’unanimité. C’est une première et ça signifie que nous avons réussi, pendant ce mandat et malgré la crise sanitaire, à mettre en œuvre un syndicalisme de transformation sociale porteur de luttes gagnantes. Nos orientations sont désormais tracées, avec comme objectif de gagner notre programme progressiste de l’énergie. À l’approche de l’élection présidentielle, nous avons également décidé de nous adresser aux candidats pour faire en sorte que l’énergie, qui est un enjeu de société, bénéficie d’une politique offensive et mieux organisée, appuyée sur une industrie solide, de nouvelles garanties collectives et un meilleur service public, pour les salariés et pour les usagers.
Un grand pôle public de l’énergie est nécessaire afin de retrouver notre maîtrise en ce domaine
Un petit extrait du programme de Fabien Roussel (chapitre 25):
25 – Il sera engagé une réappropriation publique et sociale de la SNCF, d’EDF, d’Engie, de La Poste et de France Telecom
Les directives européennes de mise en concurrence des secteurs concernés seront remises en cause selon un processus de débat démocratique. L’unification progressiste des statuts dans le secteur des transports sera, dans le même esprit, mise en œuvre.
Après vote du Parlement, un processus de nationalisations aura pour objectif la formation de pôles publics nationaux et décentralisés, dans les secteurs des transports, du médicament, du logement, de l’énergie, de La Poste, des télécoms, de l’eau, du service public de l’art et de la culture, de l’éducation populaire.
Intervention de Bernard Jasserand, élu communiste à Quimper, membre du CD PCF 29 et de la commission Energies de Bretagne lors de l’AG des communistes du Finistère
https://pcbigouden.fr/energie-son-prix-sa-production/
Et quelques articles antérieurs sur l’énergie électrique :
Nucléaire et renouvelables. Pas si simple… Une réflexion de l’Académie des Sciences