A propos de la Social-Démocratie
La social-démocratie, ou social libéralisme, est une vieille formation qui a gouverné, et gouverne encore dans de nombreux pays occidentaux.
Contrairement à ce que son nom laisserait croire elle n’a jamais eu pour but d’instaurer le socialisme, et au contraire elle a tout fait pour l’empêcher.
Son rôle principal a été de servir à proposer une alternance dans chaque pays, alternance au pouvoir pour faire à peu près la même politique que l’équipe qu’elle remplaçait. Mais cela permettait de faire croire à la population qu’il y avait un changement possible et était – et est – bien utile pour continuer à gérer le libéralisme.
D’ailleurs pendant une longue période la social-démocratie avait tous les pouvoirs – en France avec toutes les régions et l’État, elle était au pouvoir aussi en Espagne, en Italie, en Allemagne, au Parlement Européen – et rien n’a changé ! La politique antidémocratique et ultralibérale a continué à sévir dans tous ces pays.
De 2005 à 2013 c’est le socialiste français Pascal Lamy qui a dirigé l’OMC – Organisation Mondiale du Commerce – Cet OMC a pour but de promouvoir la mondialisation de l’économie et la libéralisation du commerce. Les traités signés favorisent les entrepreneurs des pays riches au détriment des salariés et des pays pauvres. L’Accord général sur le commerce des services (AGCS) promu par Pascal Lamy est avant tout un instrument au bénéfice des milieux d’affaires. Il a servi de modèle pour tous les traités de libre-échange comme TAFTA, CETA, JEFTA, MERCOSUR, etc.., traités soutenus par les sociaux démocrates français !
Alternance pour éviter alternative
Quand un gouvernement de droite est discrédité à cause de sa politique antisociale les mécontents votent pour l’opposition mise en avant – souvent par les médias – et ainsi la social-démocratie arrive au pouvoir. Celle-ci appliquant rapidement les mêmes recettes, austérité, casse des services publics, cadeaux à la finance, est au bout de quelque temps rejetée, et la droite a les mains libres pour revenir au pouvoir.
Cette alternance –rien à voir avec alternative1 – a fonctionné pendant des décennies dans de nombreux pays et fonctionne encore. Au bout d’un moment cela crée un désenchantement dans la population, un découragement. On entend alors des réflexions du type « la gauche ou la droite c’est la même chose » et cela se traduit par une abstention croissante et un brouillage des idées.
En plus de l’alternance on a eu en France des périodes de cohabitation. Elles se passaient sans heurts car les deux groupes ont le même objectif essentiel : préserver le capitalisme.
Au Royaume Uni on a les travaillistes (Labour) et les conservateurs (Tories) qui gèrent le pays depuis très longtemps.
Aux USA on a les Démocrates et les Républicains qui se relaient en protégeant, sous des formes plus ou moins brutales, les mêmes forces de la finance. (les politiques de Clinton et d’Obama étaient-elles progressistes ?).
En Allemagne on a les Sociaux Démocrates et les CDU qui gèrent également les mêmes intérets (souvenons nous de Schroder..).
En Espagne idem avec le PP et le PSOE.
Et en France ça a bien fonctionné jusqu’en 2017(2) avec la droite (UMP, Républicains) et la gauche socialiste (le PS et ses alliés). On peut y associer évidemment les noms SFIO, Parti radical…suivant les époques. Les socialistes sont d’ailleurs bien aidés dans cette tâche par leur syndicat favori.
Quelques figures bien représentatives de cette social-démocratie
- En Allemagne : Gerhard Schröder
En Grande Bretagne : Tony Blair
Aux USA : Clinton, Obama
En Espagne : Felipe Gonzalez, José Luis Rodriguez, Pedro Sanchez
En France : François Mitterrand, Laurent Fabius, Michel Rocard, Lionel Jospin, Le Drian, Dominique Strauss-Kahn, François Hollande, et bien avant, Léon Blum, Edouard Daladier, Guy Mollet, Robert Lacoste… - En Europe
Depuis sa création l’Union Européenne est gérée conjointement par le PPE –Parti Populaire Européen, droite officielle, et par le PSE – Parti Socialiste Européen. La politique libérale de cette construction européenne est bien gardée par ces deux formations qui entretiennent une concurrence artificielle mais s’entendent sur l’essentiel.
Le livre noir de la Social Démocratie Française
1936 : Léon Blum déclare la non-intervention en Espagne et bloque l’aide aux Républicains élus démocratiquement au pouvoir. Alors qu’Hitler, Mussolini font de l’Espagne leur lieu d’entrainement, le gouvernement français reconnait très vite les fascistes de Franco comme légitimes.
1938 : La victoire de Franco fait fuir des centaines de milliers de réfugiés espagnols vers la France. Les autorités les accueillent de façon honteuse et leur imposent des camps d’internement.
1938 mars : Annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie, Anschluss. Le gouvernement de Blum ne réagit pas !
1938 30 septembre : Accords de Munich. Daladier, Chamberlain, Hitler, Mussolini, signent un accord qui sacrifie la Tchécoslovaquie. Daladier, président du conseil en France prend le prétexte de « sauver la paix » pour capituler devant Hitler. Les socialistes approuvent. Seuls les communistes s’opposent, ce qui leur vaut déjà des menaces d’interdiction…
1938 : Le radical Daladier, ancien ministre de Blum, s’allie à la droite pour essayer de liquider les acquis du Front Populaire. Quand Daladier demande les pleins pouvoirs dans ce but, les socialistes s’abstiennent afin de laisser faire. Seuls à gauche les communistes votent contre.
1947 – Jules Moch (SFIO) exclut les communistes des Compagnies Républicaines de Sécurité (pas assez domestiqués)
1948 – Jules Moch, Daniel Mayer, Robert Lacoste, ministres socialistes, font réprimer sauvagement (police + armée) la grève des mineurs (voir le film 11 minutes de Louis Daquin, commentaires de Roger Vaillant) https://vimeo.com/102503779
Le socialiste Jules Moch, ministre de l’intérieur, envoie CRS, troupe et blindés contre les mineurs grévistes.
La grève avait été votée à 94% par les travailleurs. 300 000 se soulèvent dans toute la France. Le gouvernement socialiste choisit une répression violente : six morts, des milliers d’arrestations, 1342 condamnés à la prison ferme…
1956 : la grande trahison.
1956 – Zabana et Ferradj, algériens militants pour l’indépendance de leur pays, sont guillotinés par le gouvernement français, Guy Mollet étant Président du Conseil et François Mitterrand ministre de la Justice.
1956 – Le gouvernement socialiste, avec Guy Mollet, lance avec les Britanniques l’agression militaire contre l’Égypte. L’ONU demande en vain l’arrêt des opérations. Les aviations française et britannique bombardent, en soutien à l’attaque israélienne de l’Égypte de Nasser. C’est une « guerre coloniale ».
Guerre d’Algérie : attitude colonialiste et répressive de François Mitterrand en tant que ministre de Intérieur et de la Justice sous le gouvernement Guy Mollet. 45 décapitations en 500 jours ! Parmi les guillotinés Fernand Yveton, militant du Parti Communiste Algérien, exécuté le 11 février 1957. Un livre à ce sujet.
Aux élections de janvier 1956 une majorité de gauche est élue sur une grande espérance : la paix en Algérie.
7 janvier 1956 : proposition du PCF à Guy Mollet et Edouard Herriot pour un programme de gouvernement avec comme premier point : « Solution pacifique des problèmes d’Algérie par la voie de la négociation ».
1er février 1956 : formation du gouvernement Guy Mollet, socialiste, avec François Mitterrand, ministre de la justice, Max Lejeune, socialiste, secrétaire d’État à la défense nationale : opérations en Algérie.
Et, au lieu de la paix en Algérie, ce sont les soldats du contingent qui iront combattre ! Le service militaire passe de 18 à 28 mois. La droite applaudit la politique coloniale.
Et des militants de le CGT et du PCF sont envoyés en prison pour leur prise de position contre cette guerre coloniale pour avoir « porté atteinte à l’intégrité du territoire ».
Mon ami Raymond Cariou, qui était à l’époque membre du bureau de l’Union locale CGT de Lorient, donnait un exemple dans un journal local (Travailleur Bigouden n°79) : « En 1957, à Lorient, Armand Guillemot et Léon Albor, responsables CGT sont condamnés par le tribunal de Lorient à la prison ferme pour la publication d’un tract demandant l’arrêt de cette guerre injuste. Alors que ces deux syndicalistes sont en prison à Rennes, Armand Guillemot est « démissionné » de ses fonctions de conseiller municipal, début 1958 ; le maire de Lorient, ancien ministre socialiste, refuse de soumettre au Conseil municipal une motion de solidarité. »
C’est seulement 6 ans plus tard, en mars 1962, que la paix triomphait. Entre temps, la guerre, avec son cortège de mort, de souffrance, de tortures et de haine avait exercé ses terribles ravages.
1983 – Le virage libéral de Mitterrand. Il se débarrasse des ministres communistes et nomme Laurent Fabius pour se placer au service de la finance.
1990 : Michel Rocard met en place la CSG, contribution sociale généralisée, cet impôt est une atteinte directe à la notion de cotisation pour financer la Sécurité Sociale
1990-1994 au Rwanda : le rapport Duclert, remis au président de la République en mars 2021, montre clairement la responsabilité accablante de François Mitterrand dans le massacre de 800 000 Tutsis.
1997 : Lionel Jospin met en place le contraire des nationalisations du Front Populaire avec des privatisations à outrance : France Telecom, Air France, Crédit Lyonnais, Thomson, Aérospatiale …
2000 : Jospin fait voter par la droite et le PS l’inversion du calendrier électoral des échéances législatives et présidentielles, ce qui transforme la Ve république en un régime présidentiel de type monarchique.
2002 : C’est en mars 2002, au Conseil Européen de Barcelone, qu’a été décidé le recul de l’âge de la retraite dans tous les pays de l’Union européenne ; avec pour la France, l’accord de Jacques Chirac et de Lionel Jospin. A noter que, peu avant, Laurent Fabius, ministre de l’Économie dans le gouvernement Jospin, avait approuvé un projet de directive européenne en faveur des « fonds de pension professionnels ».
2005 : La grande majorité du PS fait campagne pour le TCE – Traité Constitutionnel Européen – qui propose une Union Européenne antidémocratique et ultralibérale.
2007 : Les Français ayant voté NON au TCE en 2005, le Traité de Lisbonne de 2007 méprise leur vote en étant une copie conforme du TCE. La droite approuve, le PS complice laisse faire.
2012-2017 : François Hollande élu Président de la République sur des promesses de gauche (discours du Bourget : « l’ennemi c’est la finance« ) puis il mène une des pires politiques ultralibérale, dans la suite logique de Sarkozy.
Son quinquennat est perçu comme une grande trahison, il n’ose même pas se représenter en 2017. Il contribue à discréditer la notion de « gauche » dans l’opinion publique qui perd toute confiance et se réfugie en partie dans l’abstention.
Sous son règne on note, entre autres
- la loi El Komhri de casse du droit du travail
- 3 recours à l’article 49.3 en un an
- le recrutement de Manuel Valls
- le recrutement de Jérôme Cahuzac
- le recrutement d’Emmanuel Macron
- En marche de Macron hébergé et domicilié à l’Institut Montaigne
- l’augmentation de la TVA
- durée de cotisation retraite portée à 43 ans
- l’abandon de la promesse du droit de vote aux étrangers travaillant en France
- pacte de responsabilité : 3,1 milliards de cadeau au patronat en 2016
- la création du CICE, véritable cadeau sans contrepartie au grand patronat. 40 milliards sur 3 ans
- Air France : 100 millions d’€ de CICE en 2 ans = 3000 emplois supprimés
- désinvestissement à la SNCF et ouverture à la concurrence y compris par les bus
- prolongation des concessions autoroutières
- privatisation des radars mobiles
- Hôpitaux : suppression de 22000 postes en 3 ans
- bouclier fiscal : 730 Millions pour 7630 contribuables aisés
- Hollande, Valls, Le Drian relancent la course à l’armement nucléaire en contradiction avec les traités internationaux
- vente d’armes à l’Arabie Saoudite dont le prince héritier est décoré de la légion d’honneur. Ces « Rafales » fournis par les socialistes Hollande et Le Drian sont expérimentés sur la population du Yemen où ils montrent hélas leur redoutable efficacité…
- guerre au Mali
- refus du droit d’asile pour Assange et Snowden
- l’interdiction du survol de l’espace aérien pour Evo Morales
- soutien de Junker à la présidence de l’Union européenne
- les euro-députés PS, FN & LR votent la directive Secret des Affaires
1 –Alternance ou Alternative à gauche ?
Remarque préalable : Il ne faut pas confondre alternative et alternance !
L’alternance nous avons connu. Quand une équipe au pouvoir est usée ou discréditée, on nous laisse en changer.
Mais cette nouvelle équipe, avec un autre style et un autre discours, continue en gros la même politique au profit des mêmes. Les capitalistes adorent l’alternance, (voir la Grande Bretagne, les États Unis…) elle donne aux gens une impression de changement, une impression de démocratie, mais elle ne remet pas en cause leur système. D’où l’intérêt pour eux de favoriser une bipolarisation qui ne laisse le choix qu’entre deux gestionnaires du même système et de plus, met dans la tête des citoyens qu’il n’y a pas d’autre solution, que toute alternative est vaine et utopique. Le refrain des deux groupes de l’alternance c’est « il faut diminuer la dépense publique », pour ne pas toucher à ceux qui possèdent ni à la fraude fiscale ni à l’évasion fiscale. Il faudrait au contraire augmenter la dépense publique et pour cela augmenter les recettes publiques ce qui est facilement réalisable pourvu que l’on en ait la volonté politique.
L’alternative ce serait bien autre chose. Une alternative à ces politiques libérales serait une remise en cause du règne de la finance, un changement du système pour une politique en faveur de la population et une plus juste répartition des richesses. C’est ce que propose la gauche antilibérale, et c’est bien pour cela que les dominants et leurs médias mettent dans la tête des gens qu’il n’y a pas d’alternative.. C’est le fameux TINA (there is not alternative) inventé par Margaret Thatcher.
2 – 2017, du nouveau ?
Lors de la candidature de Macron à l’élection présidentielle les libéraux de gauche et les libéraux de droite se sont rejoints. Ce n’est pas parce que la « fausse gauche » s’est démasquée (en rejoignant la « droite masquée » de Macron) que la notion de gauche a disparu. Au contraire, elle deviendra peut être moins floue…
En France l’alternance bien huilée entre PS et droite (ce que l’on appelait l’UMPS) a marqué le pas en 2017.
Le CAC40, le MEDEF, et les banques, ont jugé que les 2 partis en question, PS et LR, étaient tellement discrédités qu’il fallait inventer une autre solution, le regroupement des deux en une seule formation n’annonçant pas le couleur « ni de droite ni de gauche« . Il s’agissait pour eux de prendre directement les choses en main sans passer par les 2 partis traditionnels.
Le monde de la finance a demandé à François Hollande de placer comme ministre de l’Économie le représentant de la banque Rothschild, Emmanuel Macron. Hollande bien sûr l’a fait.
Une machine s’est alors mise en place pour organiser l’ascension du jeune Macron et l’installer à la tête de l’État.
Écouter à ce sujet le récit détaillé de Luis Branco qui en donne tous les éléments.
Comment un aventurier a été propulsé à la tête de l’État par une caste, pour les seuls intérêts de celle-ci.
Ce hold-up a été possible à cause de la constitution de la Ve République et du mode aberrant de l’élection du président de la République. Il est maintenant évident que nous ne sommes plus en démocratie.
L’affaire a si bien réussi qu’une partie de la droite officielle et une partie du PS ont rejoint le gagnant !
Pour la droite Bruno Le Maire, Edouard Philippe, Alain Juppé, etc..
Pour les sociaux démocrates Richard Ferrand, De Rugy, Le Drian, Delanoë, Gérard Collomb, etc..
Le PS a éclaté en 3 morceaux :
– ceux qui ont rallié le parti très droitier En Marche de Macron, sans dépaysement sûrement, ils n’ont même pas eu besoin de changer d’opinion, ils étaient déjà à droite
– ceux qui étaient de gauche et ont suivi Benoit Hamon en créant le groupe de gauche Génération.s
– et ceux qui sont restés au PS rabougri et sans boussole…
Une bonne partie des députés LREM vient du PS. Trahison ? Virage de veste ? Non, Simple évolution logique. Ils soutiennent la politique très réactionnaire de Macron. Sont-ils passés à droite ? non, ils l’étaient déjà.
La députée de ma circonscription par exemple, Liliana Tanguy, au PS en 2017, n’a pas été choisie par le PS local comme candidate aux législatives. Qu’à cela ne tienne, elle s’est présentée avec Macron, ce qui était une bonne affaire car elle est devenue députée. Les convictions la-dedans, l’amour propre ? Elle vote comme un robot tout ce que son parti lui demande, le CETA, les atteintes aux Services Publics, à la Sécu, etc.. Est-elle devenue très réac ? ou l’était-elle déjà au PS ?….. (à suivre)