L’ÉVASION FISCALE
Évasion et fraude du fisc coûtent entre 60 et 100 milliards d’euros à l’État.
Premiers responsables, les grands groupes, pourtant à la tête de la croisade contre la «pression fiscale».
La France écrasée par l’impôt ? Les premiers à reprendre l’antienne, les représentants du grand patronat, ne manquent pas de culot. Car ils sont aussi les premiers à contribuer aux phénomènes de l’évasion et de la fraude fiscale, dont le coût pour les finances publiques est estimé entre 60 et 80 milliards d’euros, soit l’équivalent de 16,7 % à 22,3 % des recettes fiscales brut du pays, selon une étude du syndicat Solidaires finances publiques. Une facture épongée en bout de course par les simples contribuables. Champions de l’optimisation fiscale – car, à la différence des PME, ils ont les moyens de faire appel aux cabinets spécialisés dans cet exercice –, à l’image de Sanofi, les grands groupes sont passés maîtres des diverses techniques de soustraction à l’impôt, comme les prix de transfert, qui permettent aux multinationales de localiser leurs profits dans les pays à faible fiscalité. C’est ainsi qu’ils parviennent à ramener leur taux effectif d’imposition sur les sociétés (IS) à 8 % en moyenne, alors que le taux théorique est de 33,3 %. Les PME, elles, qui sont les plus grandes pourvoyeuses d’emplois, écopant d’un taux d’IS de 39 %… Évasion et fraude fiscale se soldent par un manque à gagner pour le fisc estimé entre 23 et 32 milliards d’euros pour le seul impôt sur les sociétés.
Année après année, les gouvernements successifs contribuent au siphonnage des finances publiques en ajoutant de nouvelles « niches » fiscales ou en augmentant leur portée. Dernier en date, le crédit d’impôt compétitivité emploi (Cice), mis en place par le gouvernement Ayrault, qui coûtera à l’État 20 milliards d’euros. Un Cice de plus en plus critiqué, y compris dans la majorité, dans la mesure où il est octroyé aux entreprises sans condition. Et il apparaît de plus en plus que, contrairement à l’objectif affiché, il va largement profiter à des groupes qui ne sont pas exposés à la concurrence internationale. De plus en plus controversé aussi, le crédit d’impôt recherche (CIR), objet d’un véritable effet d’aubaine, et qui, contrairement là aussi à l’intention, n’entraîne pas un accroissement significatif de l’effort de recherche dans le secteur privé. Pire : un groupe comme Sanofi, qui encaisse plus de 120 millions d’euros au titre du CIR chaque année, sabre sans hésiter dans son potentiel de recherche, avec son dernier plan de restructuration qui touche les sites de Toulouse et Montpellier. Une remise à plat de tous ces avantages fiscaux, à l’aune de leur efficacité économique réelle et pour la création d’emplois, s’impose.
par Yves Housson dans l’Humanité du 31 octobre 2013
Évasion, optimisation fiscale et fraude font perdre chaque année entre 60 et 100 milliards d’euros
au budget de la France et plus de 1 000 milliards en Europe.
Ce n’est pas un dysfonctionnement, c’est au cœur du système*. Cela équivaut à 8% de la richesse mondiale.
C’est un métier, il existe 4 grands cabinets « d’optimisation ». Et cela se fait en connivence avec certains politiques (ex Junker, de responsable du paradis fiscal Le Luxembourg est devenu président de l’Eurogroupe). De très nombreux « paradis fiscaux » existent dans le monde, et c’est assumé et organisé par des Etats (ex Irlande).
Stopper ce phénomène réglerait le problème de la misère dans le monde !
- système : capitalisme actuel, libéralisme débridé, ultralibéralisme, qu’ importe le mot, il désigne ce stade de pourriture globale, un monde sans foi ni loi, un hold-up planétaire.
Rothschild : « Permettez-moi d’émettre et de contrôler les ressources monétaires d’un pays et je me moque de celui qui écrit ses lois. »
Sans domicile fisc L’un est député-maire, l’autre sénateur-maire, tous deux dans le Nord. Les frères Alain et Éric Bocquet, communistes, ont éprouvé, notamment par l’intermédiaire des lobbys qui les représentent, la puissance de ceux qui refusent toute législation visant à limiter l’évasion fiscale : les multinationales, les riches actionnaires et leurs experts. Ces derniers ont même inventé une expression désormais célèbre, l’« optimisation fiscale », plus distinguée que la simple « évasion », mais tout aussi coûteuse pour les finances publiques. Eric Bocquet était rapporteur de la Commission d’Enquête parlementaire Evasion des Capitaux donc sait parfaitement de quoi il parle. Comme le résume parfaitement le titre, l’argent n’a pas de patrie — ce que rappelle Jean Ziegler dans sa préface. Ces mille et une entourloupes représenteraient un manque à gagner de 60 à 100 milliards d’euros en France (l’équivalent du déficit de la France), et de plus de 1 000 milliards en Europe. Les deux élus en décortiquent les mécanismes et avancent une série de propositions.
Le Cherche Midi, Paris, 2016, 288 pages, 17,50 euros.
A propos de ce livre, dans la revue Regards
A propos de ce livre, dans Mediapart
8 citations extraites du livre, dans humanité.fr
2 dossiers de la chaîne Public Sénat avec Eric Bocquet, et des extraits du livre :
https://www.publicsenat.fr/lcp/politique/sans-domicile-fisc-livre-choc-paradis-fiscaux-12-1473463
https://www.publicsenat.fr/lcp/politique/sans-domicile-fisc-livre-choc-paradis-fiscaux-22-1473849
Evasion fiscale, les secrets d’un système
100 pages de faits, d’analyses et d’explications sur le système d’évasion fiscale… Des contributions prestigieuses : Eric Bocquet – Pierre Ivorra – Monique Pinçon-Charlot – Jean Ziegler… Des exemples concrets : Bernard Arnault, Bono, Wirlpool, Le Pen, Apple, Balkany, Nike… Dos carré collé – format 20×26
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Un rapport fourni, de l’OXFAM, sur l’évasion fiscale, en pdf
Un livre des frères Bocquet, sortie 2021
Les paradis fiscaux
Pour l’OCDE, un paradis fiscal est un territoire où il n’y a pas d’impôt, ou quasiment pas, sur les particuliers ou les entreprises, où il n’y a aucune transparence où il n’existe pas d’échange d’informations avec les autres pays. Enfin, c’est un territoire qui peut abriter des sociétés rentables sans qu’elles justifient des opérations commerciales véritables.
Sur tous les continents : Iles Caïmans, 3 états des USA dont le Delaware, Luxembourg, Jersey, Guernesey, Ile de Man, Monaco, Gibraltar, Malte, Autriche, Irlande, Pays Bas, Singapour, Hong Kong, le Qatar… Il y en a même en Europe alors que l’UE prétend les combattre.
Millionnaires et multinationales y fuient le fisc. la criminalité et le terrorisme les utilisent… Les paradis fiscaux sont la face obscure de la finance.
Les îles Caïmans abritent un immeuble fameux, symbole même de la présence juridique fictive : il s’agit d’Ugland House, à George Town, la capitale. Ce modeste bâtiment de quatre étages est l’adresse, selon les registres commerciaux, d’un cabinet d’avocats et de 18 000 sociétés. Il a été rendu célèbre par Barack Obama lui-même, qui le qualifie de « plus grand immeuble du monde ou de plus grande escroquerie fiscale du monde. Mais le président américain semblait ignorer que la bâtisse de George Town est pourtant dépassée par un immeuble d’un seul niveau, sis North Orange Street à Wilmington, dans le Delaware, avec 280 000 sociétés. (cité dans Sans domicile fisc).
Les firmes championnes de la fraude
Leur vrai visage
· > Apple abrite 215 milliards de dollars sur des compte offshore et refuse de payer une amende de 13 milliards d’euros pour évasion fiscale.
· > McDonald’s envoie 24 % du chiffre d’affaires de ses restaurants au Luxembourg et a soustrait 1,5 milliard d’euros de recettes fiscales aux pays européens entre 2009 et 2013.
· > BNP Paribas facilite l’évasion fiscale de ses clients et a créé 468 sociétés offshore via le cabinet Mossack Fonseca depuis les années 1980.
· > Ikea a soustrait à l’impôt plus d’un milliard d’euros ces six dernières années au détriment de plusieurs États européens.
· > Engie, une entreprise détenue à 33 % par l’État français, doit payer une amande de 300 millions pour évasion fiscale via ses 26 filiales luxembourgeoises.
· > Starbucks, la plus grosse chaîne de cafés au monde, a réalisé un chiffre d’affaires de 95 millions en 2015 mais ne paie pas d’impôt sur les sociétés depuis son installation en France.
· > Total possède 178 filiales dans des paradis fiscaux et ne paye quasiment pas d’impôt sur les sociétés en France.
· > Société générale est la banque française championne de l’optimisation fiscale agressive avec 30 % de ses profits réalisés dans les paradis fiscaux.
· > Zara évade ses profits via les Pays-Bas et a fait perdre à la France 76 millions d’euros d’impôts entre 2011 et 2014. Google est également un champion.
On trouve aussi Sanofi, Danone, LVMH, Vinci, Axa, Schneider, St Gobain, Vivendi…
Attac se mobilise pour que ces multinationales rendent l’argent qu’elles ont détourné depuis des années et qu’elles payent enfin leur juste part d’impôts dans les pays ou elles exercent leurs activités.
Et ça marche.
Depuis 2014, Attac mène des opérations citoyennes de grande ampleur pour dénoncer les pratiques des multinationales. Cette campagne a déjà contribué au succès des Fralib contre Unilever et contraint Société générale à se retirer du projet de mine charbon Alpha Coal en Australie, Total d’un projet d’extraction de gaz de schiste en Algérie ou encore Sofiprotéol-Avril du projet d’usine de 23 000 porcelets des Sables-d’Olonne. En 2016, après de très nombreuses actions des Faucheurs de chaises, nous avons contraint BNP Paribas a annoncer la fermeture de ses filiales aux îles Caïmans !
Les banques en cause
HSBC, UBS, ce sont des spécialistes mais elles ne sont pas seules. Les cinq plus grandes banques françaises – BNP Paribas, BPCE, Crédit Agricole, Crédit Mutuel-CIC et Société Générale – « ont déclaré 5,5 milliards d’euros de bénéfices dans les paradis fiscaux ». Quatre d’entre elles sont notamment présentes aux Iles Caïmans, où elles ont réalisé « 174 millions d’euros de bénéfices bien qu’elles n’y emploient personne ».
La destination privilégiée des établissements français est le Luxembourg, où ils ont enregistré plus d’1,7 milliard d’euros de bénéfices. Suivent en Europe, la Belgique (1,66 milliard), l’Irlande(272 millions), et les Pays-Bas (189 millions), et en Asie Hong-Kong (436 millions) et Singapour (346 millions).
vidéo d’une minute :
Les méthodes
Cela fonctionne via des sociétés écrans installées tranquillement dans ces paradis. Derrière ces sociétés offshores se cachent les vrais propriétaires de l’argent qui veulent échapper au fisc de leur pays. L’argent peut aussi venir de tous les trafics, du terrorisme. C’est alors de l’argent noir.
4 grands cabinets « d’optimisation » avec une impressionnante équipe d’experts et d’avocats spécialisés. C’est un métier.
Un système robotisé dans les bourses du monde, les temps de transaction sont maintenant de l’ordre de la picoseconde (pour contrôler 10 minutes de transactions des robots il faudrait 10 mois de travail à un inspecteur des finances).
L’opacité permet toutes les fraudes et malfaçons, aussi de cacher les vrais comptes des entreprises, et même de « blanchir » l’argent sale.
Les politiques au pouvoir sont complices et, malgré leurs déclarations d’intention, cautionnent ces méthodes. Il est scandaleux que nos gouvernements permettent à autant d’argent échapper à l’impôt alors que ces sommes colossales pourraient permettre à la population de vivre correctement.
Les dirigeants de l’Union européenne qui se rencontrent régulièrement à Bruxelles doivent en principe s’accorder sur une action immédiate pour sévir contre l’évasion fiscale. Mais ils doivent commencer par balayer devant leur porte. Il ressort d’une nouvelle étude de l’organisation internationale Oxfam que les deux tiers de l’argent caché par des personnes fortunées se trouvent dans des paradis fiscaux liés à l’Union européenne (UE).
Les Etats, malgré la complaisance active de beaucoup, restent encore un obstacle à la toute puissance de la finance, d’où la volonté de les rendre impuissants en y plaçant des serviteurs ou en passant par dessus (exemple des traités transatlantiques TAFTA, CETA et autres). Lire aussi la déclaration de David Rockfeller en bas de cette page.
Les complicités de politiques
On note une étrange proximité entre dirigeants de banques, de la finance et des milieux politiques.
Hilary Clinton et Donald Trump ont pignon sur rue au Delaware, le principal paradis fiscal des USA. L’ancienne secrétaire d’État de Barak Obama s’y fait payer ses conférences dans le monde et le magnat de l’immobilier y gère son patrimoine.
Et en France ? L’ancien patron de BNP Paribas a raconté devant la commission d’enquête du Sénat que l’Etat lui avait demandé de ne pas quitter le Panama, paradis fiscal… Il avait pris cette décision en 2009. Eric et Alain Bocquet relatent ses propos : « C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le président de la République du Panama est intervenu très fortement, à l’époque, auprès du Quai d’Orsay. Un peu paradoxalement, celui-ci nous a alors écrit pour nous demander de rester au Panama ! Nous avons néanmoins décidé de vendre nos activités dans ce pays ».
« Autre particularité de notre cher Hexagone, les conditions fiscales tout à fait particulières dont y jouit le Qatar. À l’initiative de Nicolas Sarkozy a été voté en 2008 un avenant à la convention fiscale liant les deux pays. Résultat : un bouquet de faveurs tout à fait exceptionnelles dont l’exonération totale des plus-values immobilières réalisées par l’émirat, la suppression de la retenue à la source sur les dividendes perçus par des sociétés qataries, l’exonération d’impôt sur la fortune pendant cinq ans. Le coup a porté : la France est désormais la deuxième destination des dollars venus de l’émirat après le Royaume-Uni. Parmi ces investissements, le rachat du Paris Saint-Germain pour en faire un club de football et une marque de renommée mondiale.
Quant à Hollande, il avait choisi Cahuzac pour la lutte contre la fraude fiscale ! Evidemment Cahuzac connaissait le problème en tant que pratiquant.
(…) Le traitement fiscal hors normes du Qatar est toujours en vigueur et représente un coût chiffré entre 150 et 200 millions d’euros à la charge des contribuables français. On lit également dans le livre des frères Bocquet comment le foot et les paradis fiscaux font bon ménage et comment Bercy a cautionné certaines « exonérations » de la FIFA et l’UEFA, dévoilés dans les « Panama Papers ».
Il est noté également les allers-retours significatifs entre public et privé, entre la direction du Trésor et BNP Paribas ou UBS.
En Europe c’est également flagrant : Baroso et Goldman Sach, HSBC et le Haut Conseil des finances, Mario Draghi directeur de la BCE et Goldman Sachs, et bien sûr Juncker…
La dette
La dette, c’est un argument, une construction afin de culpabiliser les gens et leur faire accepter le système. Ce sont les banques qui achètent les dettes des États afin de continuer à leur prêter pour faire de plus en plus de profits. La somme annuelle à rembourser, dite service de la dette, en France est la 2e dépense après l’Éducation Nationale (~45 milliards), c’est de l’argent offert aux grandes banques privées alors qu’auparavant c’étaient des banques nationales qui prêtaient à taux zéro aux Etats.
Sans évasion fiscale, pas de déficit, plus de dette ! L’argent dont on nous dit qu’il manque déborde de partout mais échappe à la puissance publique.
Actions
Fraudeurs, optimiseurs, blanchisseurs, évadés ou exilés fiscaux nous volent. Il est temps de passer de la parole aux actes
Diffuser l’information, faire savoir, harceler, boycotter, demander des comptes aux banques (je viens de changer de banque pour cette raison) et aux grandes entreprises.
« Panama Papers » : action d’ATTAC contre l’agence Société générale des Champs-Élysées.
Différentes actions d’ATTAC devant les banques responsables, par exemple les »faucheurs de chaises ».
Mais ces militants pacifiques sont poursuivis ainsi que les lanceurs d’alerte qui donnent des preuves de ces malversations. Au même moment les acteurs de cette gigantesque fraude ne sont absolument pas inquiétés. Il y a eu une époque où les gangsters prenaient d’énormes risques personnels (cf Al Capone et Cie), actuellement les gangsters modernes ont trouvé la solution : ils ont pris le pouvoir sur les Etats de façon à agir sans être dérangés, la mitraillette est devenue inutile pour eux…
- Un exemple récent : le 1er avril 2017 un rassemblement pacifique a été organisé devant la BNP de Quimper – voir ici le communiqué du Collectif des Services Publics de Cornouaille – le but était d’attirer l’attention sur les malversations de telles banques. A l’aide des caméras de surveillance de la banque certains militants ont été identifiés et convoqués au commisariat. Quelle sera la suite ? Difficile a prévoir car il s’agit d’intimider les protestataires dans l’immédiat mais les banques hésitent a aller plus loin (tribunal ?) de peur de la popularisation de leurs malversations…. A suivre donc. Et bravo aux militants de Cornouaille ! Et que font les banques dans les paradis fiscaux ? Quelques exemples (télécharger en pdf)
Documents
- Rapport de M. Éric BOCQUET, fait au nom de la Commission d’enquête Evasion des capitaux n° 673 tome I (2011-2012) – 17 juillet 2012
- Évasion fiscale : définition, conséquences et solutions, par OXFAM, aout 2021
- 60 milliards de fraude et d’évasion fiscales : stop ou encore ? par ATTAC 2016
- Comment récupérer 200 milliards d’euros sans imposer aux Français une cure d’austérité – Bastamag
- Banques en exil : comment les grandes banques européennes profitent des paradis fiscaux – source OXFAM (pdf)
- Banques en exil : méthodologie – source OXFAM
- La moitié des milliards « privés » cachés dans les paradis fiscaux pourrait permettre d’éradiquer l’extrême pauvreté
- Cash Investigation. Paradis fiscaux : le casse du siècle, Emission à voir absolument. Diffusé le 05/04/2016 Durée : 02h15
- Les frères Bocquet, Sans domicile Fisc, extrait vidéo
- Extrait d’une intervention des frères Bocquet
- Panama Papers, une lumière crue sur l’opacité des paradis fiscaux
- ATTAC, quelques rappels sur l’évasion fiscale
- L’évitement fiscal au cœur du combat de classe du XXIe siècle, PCF avril 2017
- Dossier Évasion Fiscale 2021 par OXFAM (à télécharger aussi sur leur site)
Citations
Warren Buffet, milliardaire américain : « Tout va très bien pour les riches dans ce pays, nous n’avons jamais été aussi prospères. C’est une guerre de classes, et c’est ma classe qui est en train de gagner ».
George H.W. Bush, 1992 : « Si le Peuple avait la moindre idée de ce que nous avons fait, il nous traînerait dans la rue et nous lyncherait. »
Henry Ford : « Il est appréciable que le peuple de cette nation ne comprenne rien au système bancaire et monétaire, car si tel était le cas, je pense que nous serions confrontés à une révolution avant demain matin. »
Sir Josiah Stamp, Directeur de la Banque d’Angleterre 1928-1941 (Réputé 2e fortune d’Angleterre à cette époque) :
« Le système bancaire moderne fabrique de l’argent à partir de rien. Ce processus est peut-être le tour de dextérité le plus étonnant qui fut jamais inventé. La banque fut conçue dans l’iniquité et est née dans le pêché. Les banquiers possèdent la Terre. Prenez la leur, mais laissez-leur le pouvoir de créer l’argent et en un tour de mains ils créeront assez d’argent pour la racheter. Otez-leur ce pouvoir, et toutes les grandes fortunes comme la mienne disparaîtront et ce serait bénéfique car nous aurions alors un monde meilleur et plus heureux. Mais si vous voulez continuer à être les esclaves des banques et à payer le prix de votre propre esclavage laissez donc les banquiers continuer à créer l’argent et à contrôler les crédits. »
Salvador Allende, à l’Assemblée générale de l’ONU en Septembre 1972 : « Nous faisons face à un conflit frontal entre des entreprises transnationales et les Etats. Ceux-ci sont court-circuités dans leurs décisions fondamentales — politiques, économiques et militaires — par des organisations globales qui ne dépendent d’aucun Etat et dont les activités ne sont contrôlées par aucun parlement ni aucune institution représentative de l’intérêt collectif. »
David Rockefeller, en février 1999 à Newsweek : « Quelque chose doit remplacer les gouvernements, et le pouvoir privé me semble l’entité adéquate pour le faire. »
M.A. Rothschild : « Permettez-moi d’émettre et de contrôler les ressources monétaires d’un pays et je me moque de celui qui écrit ses lois. »
John Adams : « Il y a deux manières de conquérir et d’asservir une nation, l’une est par les armes, l’autre par la dette. »
Jean Ziegler – qui a préfacé le livre Sans Domicile Fisc – interview à propos du scandale de la faim dans le monde.
Le crime de l’évasion fiscale
Le pillage est colossal. Partout sur la planète, des dizaines de milliers de milliards d’euros échappent aux services fiscaux. Un véritable vol organisé des caisses des états, de l’argent des peuples. Pour en finir avec ce crime commis au nom de la finance, les parlementaires éric et Alain Bocquet appellent, dans un livre réquisitoire, à une grande conférence fiscale mondiale.
Fraude pure et simple, montage financier complexe, optimisation, domiciliation des bénéfices, dispositif de blanchiment… particuliers et entreprises rivalisent d’imagination, avec l’aide des banques et des cabinets de conseil, pour dissimuler l’argent. Pour prendre la mesure de ce hold-up, à l’ampleur inimaginable, il faut ramener ces chiffres à ceux des budgets des États. Ainsi, rien que pour la France, ce sont quelque 80 milliards d’euros par an de recettes fiscales qui s’évaporent dans les trous noirs de la finance. Un chiffre à mettre en regard des 373 milliards du budget de la France pour 2016. Un budget en déficit de 73 milliards. Les chiffres sont têtus. Et alors que les peuples sont sommés de se serrer la ceinture pour réduire la fameuse dette, on s’aperçoit que celle-ci n’est pas due à des prestations sociales « trop généreuses », à des pensions de retraites trop élevées ou à des étrangers venant « abuser » notre système…
Comme le soulignent le député communiste Alain Bocquet et son frère, le sénateur communiste Éric Bocquet, dans leur ouvrage « Sans domicile fisc » qui fait suite aux différents rapports parlementaires qu’ils ont pilotés sur la question , au-delà du vol, « ce racket des peuples est un crime contre la paix, la justice. Y mettre fin est l’objectif premier de tous ceux qui défendent une civilisation où le droit fonde l’égalité entre les hommes ».
La succession de scandales et de révélations au cours de la dernière décennie, souvent le fait d’individus, des lanceurs d’alerte qu’il faut protéger, a fait connaître dans l’opinion publique l’ampleur de cette évasion fiscale. Pourtant, la riposte des États, des organismes internationaux est loin d’être à la hauteur. Si la fraude patentée est dénoncée et commence à être pourchassée, une immense partie de l’argent soutiré aux finances publiques des États « disparaît » par l’utilisation de failles du cadre légal… quand sa disparition n’est pas carrément légale. Comme l’expliquent les Bocquet, « si l’optimisation fiscale est légale, comme hier l’esclavage et l’apartheid étaient légaux, il faut changer la loi. » Or les législateurs, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle internationale, ne se pressent pas pour changer les lois. Le dumping fiscal est un sport largement pratiqué. Dernier exemple en date : Apple ne paye que 0,05 % d’impôt sur les sociétés en Irlande.
« Quand on appartient à la catégorie des 0,01 % les plus riches de la planète ayant une fortune supérieure à 50 millions de dollars, il y a une probabilité de 70 % de détenir un compte dans les paradis fiscaux. » GABRIEL ZUCMAN, ÉCONOMISTE, PROFESSEUR À L’UNIVERSITÉ DE BERKELEY, CALIFORNIE.
Entre 21 000 et 32 000 milliards de dollars bien planqués.
Cette fortune serait pour moitié la propriété de 91 000 personnes, soit 0,001 % de la population mondiale ; l’autre moitié serait entre les mains de 8,4 millions de personnes, soit 0,14 % de la population mondiale.SOURCE : ONG TAX JUSTICE NETWORK, PAR JAMES S. HENRY, ANCIEN ÉCONOMISTE CHEZ MCKINSEY, CABINET DE CONSEIL DE GRANDES ENTREPRISES.
MCDONALD’s 3,7 milliards d’euros de recettes
La société a enregistré au Luxembourg sa filiale chargée de sa collecte de fonds. elle n’emploie que 13 salariés. elle n’a payé que 16 millions d’euros d’impôts sur les 3,7 milliards de recettes transférées depuis l’ensemble des restaurants européens entre 2009 et 2013. Si ces revenus avaient été imposés dans les pays d’origine, mcdonald’s aurait payé 1,05 milliard !
La fraude annuelle sur la TVA en France, selon la commission européenne, s’élève à 30 milliards d’euros, soit près de 20 % de la première ressource de l’état !
« la TVa est le plus important des impôts indirects, avec 140 milliards d’euros. Cette fraude, c’est de l’argent directement puisé dans les caisses des états. C’est un hold-up de plusieurs milliards par an ! » VINCENT THOMAZO,SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU SYNDICAT UNSA-DOUANES.
la publication de données pour 2015 montre l’omniprésence des paradis fiscaux dans la stratégie des banques.
le nombre de filiales des plus grandes banques a même progressé entre 2014 et 2015. un tiers des bénéfices internationaux est à mettre au compte de ces filiales, alors que celles-ci ne représentent qu’un sixième des emplois et le cinquième des impôts. bNp paribas et Société générale comptabilisent les bénéfices les plus élevés dans les paradis fiscaux plus de 3,7 milliards d’euros.SOURCES : CCFD-TERRE SOLIDAIRE, OXFAM ET LE SECOURS CATHOLIQUE.
La fortune des 62 personnes les plus riches au monde a augmenté
de 44 % entre 2010 et 2015, soit une hausse de plus de 500 milliards de dollars, pour s’établir à 1 760 milliards de dollars. parallèlement, les richesses de la moitié la plus pauvre de l’humanité ont diminué de plus de 1 000 milliards de dollars au cours de la même période, soit une chute de 41 %. SOURCE: OXFAM
Fedex. un géant taxé à 0,25 % sur ses bénéfices réalisés au mexique, que la messagerie a déplacé au luxembourg. 181 milliards de dollars pour apple, 119 pour General electric, 108 pour Microsoft, 74 pour Pfizer, 61 pour ibm.Profits engrangés par ces sociétés dans les paradis fiscaux entre 2008 et 2014.
Estimation du coût de l’évasion fiscale annuelle
FRANCE 60 à 80 milliards d’euros UNION EUROPÉENNE 1 000 milliards d’euros MONDE 2 600 milliards d’euros
AMAZON, avec un chiffre d’affaires de 9,13 milliards d’euros, n’a payé que 8,2 millions d’euros d’impôts.la société facture ses clients européens depuis le luxembourg, avec sa principale filiale, amazon EU SARL (chiffres 2011). « Si l’optimisation fiscale est légale, comme hier l’esclavage et l’apartheid étaient légaux, il faut changer la loi. » « Pour les pays du Sud, le manque à gagner en recettes fiscales se chiffre chaque année, au minimum, à 250 milliards d’euros. la seule évasion fiscale des multinationales prive les pays en développement d’au moins 125 milliards d’euros par an. »
Près d’un tiers (30 %) de la fortune des riches africains, soit 500 milliards de dollars, est placé sur des comptes offshore dans des paradis fiscaux.
on estime que cela représente un manque à gagner fiscal de 14 milliards de dollars par an pour les pays africains.SOURCE : OXFAM.
Conséquence, la somme due à Dublin pour « avantages fiscaux indus » est de 13 milliards d’euros, selon les estimations par la Commission européenne. Un argent que Dublin refuse puisque ce niveau d’imposition a été directement négocié avec le gouvernement irlandais. Plus fort encore, la France, qui, comme d’autres pays, est lésée du fait de montages financiers qui domicilient en Irlande les profits réalisés dans l’Hexagone, ne compte rien réclamer… D’où la proposition d’une COP fiscale sur le modèle de la COP environnementale qui s’est tenue à Paris en décembre 2015. Certes, des choses avancent. Ainsi, en France, la loi Sapin 2, adoptée il y a quelques jours, comporte certes des avancées, notamment sur la protection des lanceurs d’alerte, mais reste très en dessous des enjeux en ce qui concerne le « reporting » financier des activités des multinationales dans tous les pays. Cette transparence accrue censée lutter contre l’évasion fiscale, omme le demandent des ONG, n’est pas du goût de tous.
La proposition a été qualifiée d’« affaire grave » par le même de « suicide économique » par l’AFEP, qui regroupe 100 des plus grands groupes privés exerçant leur activité en France. De plus, le gouvernement n’a pas retenu la proposition pourtant largement relayée par diverses associations et élus d’en finir avec le « verrou de Bercy », ce monopole qu’exerce le secrétaire d’État au Budget sur les décisions de poursuites en matière de fraude fiscale. Cette anomalie fait que, comme l’indique la Cour des comptes, en France, « la fraude fiscale est le seul délit que les parquets ne peuvent poursuivre de façon autonome. Cette situation est aujourd’hui préjudiciable à l’efficacité de la lutte contre cette dernière ». Sans un mouvement populaire et citoyen, que les Bocquet et bien d’autres appellent de leurs vœux, les « sans domicile fisc » vont continuer longtemps à voler les peuples…
DIVIDENDES
L’année dernière, les actionnaires ont été à la fête : ils ont touché plus de 1 000 milliards d’euros. Jamais les multinationales ne leur avaient reversé autant d’argent, particulièrement dans le secteur de la finance.
Les distributions de dividendes dans le monde ont explosé de 7,7 % en un an. C’est historique, selon le cabinet de gestion d’actifs Janus Henderson, qui scrute trimestriellement les 1 200 plus grosses entreprises au monde. Celles-ci versent à elles seules 90 % du total des dividendes. Le cabinet publie chaque année un genre d’indice du bonheur des actionnaires, le JHGDI (indice Janus Henderson des dividendes mondiaux). Et il n’a jamais été aussi haut, à 171,2. « Ce qui signifie que les dividendes ont augmenté de quasiment trois quarts depuis 2009 », se réjouit Janus Henderson dans sa dernière édition parue en février.
Pas moins de 11 pays, parmi les plus grosses économies mondiales, ont battu leurs records historiques de distribution. « Ce qui est frappant dans cette étude, c’est le caractère assez global de la hausse des dividendes, souligne justement l’économiste Dominique Plihon, membre du conseil scientifique d’Attac. On est bien dans un capitalisme financiarisé mondialisé, dominé par le rôle de plus en plus central accordé à l’actionnaire. »
Un court-termisme dangereux
Si les distributions de dividendes augmentent globalement partout, cela ne s’effectue pas au même rythme. En Asie, elles ont bondi de 18,8 % en un an – tirées par les plateformes financières comme Hong Kong, Taïwan ou Singapour –, de près de 7 % aux États-Unis et d’à peine 2 % en Europe. 1 027 milliards d’euros ont été distribués en 2017 aux actionnaires, l’équivalent du PIB de la Russie ou de l’Espagne… « Cela reflète bien le regain de confiance des entreprises. Elles pensent pouvoir distribuer massivement des dividendes, avoir de bonnes perspectives, analyse Dominique Plihon. Cette confiance est renforcée par le contexte politique, très favorable à la finance, avec Trump aux États-Unis et sa réforme fiscale, mais aussi l’effet Macron en France. »
Et la tendance à la distribution massive de dividendes n’est pas près de freiner, comme le montre la projection du cabinet Janus Henderson pour 2018, à 1 105 milliards d’euros. Tant que la rechute économique ne pointe pas le bout de son nez… « Cette étude me rend assez peu optimiste, poursuit Dominique Plihon. On n’a pas retrouvé les niveaux d’activité d’avant la crise et, pourtant, les marchés financiers s’envolent et les distributions de dividendes battent des records. Cette euphorie est inquiétante, alors que l’économie reste particulièrement fragile. » L’universitaire, membre du collectif des Économistes atterrés, dénonce ainsi le court-termisme dangereux des entreprises, qui gavent leurs actionnaires plutôt que d’investir dans leur outil productif ou dans la transition énergétique.
La France parmi les plus prodigues
Tous les secteurs économiques ne sont pas non plus également prodigues en dividendes. L’industrie traditionnelle comme le secteur de l’alimentation restent stables, tandis que la finance (banques, assurances…) rémunère grassement ses actionnaires. « Le fait que le secteur financier distribue le plus de dividendes est totalement à l’image de notre capitalisme actuel, explique Dominique Plihon. Et la France est le pays européen qui en distribue le plus (42,7 milliards d’euros), bien davantage que l’Allemagne (31,2 milliards d’euros). Ce qui est symptomatique du fait que nous avons une économie plus financiarisée, avec de très grandes banques notamment. »
Les montants spectaculaires de dividendes versés au Royaume-Uni et en Suisse, grandes plateformes financières mondiales, renforcent le constat de l’économiste. Les secteurs énergétiques se révèlent également très rémunérateurs pour leurs actionnaires, de même que l’industrie pharmaceutique et les nouvelles technologies. Ainsi, sans surprise, les multinationales qui ont le plus versé de dividendes en 2017 sont Royal Dutch Shell, China Mobile, Exxon, Apple, Microsoft, HSBC… « Il me semble important de mettre en relation ces distributions spectaculaires de dividendes en 2017 avec la croissance des inégalités dans le monde, insiste Dominique Plihon. Les études d’Oxfam le montrent très bien, l’année dernière, il y a eu un net creusement des inégalités. Et une augmentation du nombre de milliardaires la plus importante de l’histoire contemporaine grâce aux revenus financiers, alors que 90 % de la population n’en bénéficient pas. »
Pierric Marissal, Journaliste, spécialiste des nouvelles technologies