Europe

LA FAILLITE DE L’EUROPE DES MARCHANDS

Le vent violent de la réaction emporte jusqu’aux valeurs que l’Union européenne prétendait incarner a ses débuts. Fondée sur l’insupportable concurrence de tous contre tous, incapable de porter des projets de coopération industrielle ou agricole, de développer une ambition continentale pour les services publics, de lutter contre la financiarisation de son tissu économique, elle est devenue une cynique machine portant les intérêts des classes possédantes en écrasant de son talon de fer toutes les aspirations sociales, démocratiques et écologiques. Égoïsme, concurrence, austérité budgétaire, autoritarisme, antidémocratie et amputation des souverainetés populaires ne pouvaient que produire cette gangrène nationaliste et raciste qui s’empare de son corps.

Le repli national est une conséquence du déchaînement libéral consécutif à l’acte unique et au traité de Maastricht confirmé dans le traité de Lisbonne. Désavouée par les peuples, terrain privilégié d’un consensus entre droite et social-démocratie, cette construction s`est imposée par la force et la coercition. Elle ne pouvait que devenir un objet de rejet. Pourtant, les nouveaux défis comme la nouvelle géopolitique mondiale appellent à une construction coopérative en Europe. L’intérêt des peuples, des travailleurs, commande de sortir de l’actuelle construction au service de l’argent au profit d’une coopération réelle entre les nations et peuples du continent, libres de s’associer pour des projets communs, solidaires, favorables au travail, à la création, permettant de faire revivre en actes l’une des valeurs cardinales dont il n’aurait jamais fallu s’éloigner: l’humanisme. Le sommet européen de la dernière semaine n’aura été qu’un triste ressassement des paniques identitaires du continent. Alors que les migrations ont spectaculairement décru cette année, l`Union européenne décide, sous la pression des forces xénophobes et néofascistes, et sous le patronage de M. Macron_ de se barricader plus encore en créant des camps de rétention en dehors de ses frontières. Voila donc des pays qui portent a l’échelle mondiale des logiques économiques prédatrices, notamment par l’entremise de leurs entreprises transnationales et qui refusent dans le même mouvement de s’ouvrir aux réalités de ce monde qu’ils ont grandement contribué a façonner. La présidence de Donald Trump, jamais avare d’ingérence sur le continent pour souffler sur les braises réactionnaires et fracturer l’Europe, aura à cet égard fait un mal colossal. Ajoutons que chaque pays pourra désormais décider du traitement de l’enjeu migratoire en fonction de ses lubies xénophobes. Face au défi d’humanité, 1′ Europe est menacée d’implosion. Et les forces en embuscade sont malheureusement bien celles de l’extrême droite et du populisme nationaliste le plus rance.

Tout tend à montrer la nécessité profonde d’un nouveau projet européen à partir et avec les peuples. La mondialisation, l’intensification des échanges commerciaux et culturels placent les défis contemporains a une nouvelle échelle. Qu’ il s”agisse de l’Internet, des migrations, de l’environnement, des impératifs de coopération ou du défi que représentent les nouveaux blocs géopolitiques et l’émergence de gouvernements antidémocratiques et autoritaires, il est nécessaire de sortir de la matrice européenne actuelle pour faire vivre une Europe articulée aux peuples et aux nations associés afin de contribuer a définir, avec les autres habitants du monde, les contours d’une mondialisation de progrès social, écologique et démocratique. 

Patrick Le Hyaric, dans l’Humanité Dimanche du 5 juillet 2018


Europe : mettons à bas les idées reçues

VRAI-FAUX

« La politique économique de l’Union Européenne est source d’harmonie et de compétitivité économique » FAUX

En Grèce, comme en Espagne, au Portugal,et même en Allemagne les plans d’austérité de l’UE riment avec recul de l’espérance de vie et l’explosion du chômage chez les jeunes… Ce que l’UE a harmonisé, c’est le profit pour le grand patronat et les banquiers qui ont gagné des milliards. C’est autant d’argent qui est confisqué à ceux qui travaillent, et de politique de casse de nos droits qui envoient nos pays dans le mur.

« L’UE, c’est la paix »  FAUX

Intervention en ex-Yougoslavie en 1999, participation à la signature d’accords stratégiques avec l’OTAN, principale puissance belliqueuse, partenariat économique avec la colonisation d’Israël… pressions plus qu’ambiguës en Lybie, en Syrie, en Ukraine..  la liste des interventions militaires de nos pays, soit individuelle, soit collective est sinistrement longue.

« L’UE c’est l’Europe » FAUX

L’UE n’est qu’une des constructions régionales possibles. Elle ne regroupe que 28 pays sur la cinquantaine du continent, et la loi du tout profit n’est pas la seule possible.

« Dénoncer l’UE, c’est être pour le repli sur soi » FAUX

Au contraire, rompre avec l’Europe du fric, c’est tout le contraire du nationalisme. Nous voulons, comme en Amérique latine, construire des coopérations régionales mutuellement avantageuses pour les peuples sur des bases de progrès so=cial et démocratique ! Un salaire décent, la réponse à nos droits fondamentaux, doivent être des modèles à étendre sur tout le territoire et non la cible des politiques de régression sociale.

« Tout ça c’est la faute de l’Europe » FAUX

Nos dirigeants ont beau jeu, une fois qu’ils se sont mis d’accord à l’échelle de l’UE pour casser nos droits, de rejeter leur responsabilité sur celle-ci. La France, peut et doit peser de tout son poids dans le conseil européen pour refuser l’austérité. Les parlements nationaux peuvent engager le bras de fer avec l’UE en ne retranscrivant pas une directive dans son droit national. C’est un choix politique et pas un problème technique !

« L’UE n’est pas démocratique » VRAI

De part sa construction l’UE n’a rien à voir avec la démocratie.

La BCE n’a de compte à rendre à personne.

La Commission européenne n’a aucune valeur démocratique.

Il faut rendre la décision aux intéressés. Notre pays doit retrouver sa souveraineté.

Souveraineté = pouvoir décider de tout, y compris dans les entreprises, donc démocratie.

Europe : la confrontation et la rupture

Par Bastien LACHAUD, secrétaire national du Parti de Gauche,  et Matthias TAVEL, auteur du Cauchemar européen, comment s’en sortir ! (éditions Bruno Leprince).
Tribune dans l’Humanité du 23 janvier 2014

Les élections européennes de 2014 donneront sûrement lieu aux habituels vœux pieux sur «l’Europe sociale». Pourtant, plus personne n’y croit. ­Surtout, l’austérité ravage le continent. 27 millions de chômeurs, plus de 100 millions de pauvres : il y a urgence ! L’Europe, qui devait être la solution, est devenue le problème. Le « rêve européen » a viré au cauchemar. Le Front de gauche s’accorde sur l’ambition de « refonder l’Europe ». « Refonder ». Donc mettre à bas les fondations actuelles et rompre avec les traités européens rejetés en 2005. Au Parti de gauche, notre texte d’orientation, « Sortons de l’Europe austéritaire ! Désobéir pour ne plus subir ! », affirme la volonté de « révolutionner et refonder l’Europe ». Nous faisons nôtre la parole de Marie-George Buffet à Tarbes le 12 novembre dernier aux côtés de Jean-Luc Mélenchon : « Cette Europe, nous n’en voulons plus. Il n’y a rien de bon à garder. On recommence à zéro. » Loin des incantations hypocrites du PS, nous proposons une méthode concrète et radicale : la subversion ! Nous appliquerons la politique pour laquelle le peuple aura voté. Rien ni personne ne nous en empêchera. La France peut désobéir. D’autres le font, comme les Anglais qui n’appliquent pas l’euro. Depuis 1966, le « compromis de Luxembourg » permet à un pays qui juge que des intérêts « très importants » pour lui sont menacés de bloquer des décisions européennes. La France peut initier cette désobéissance européenne : refus d’appliquer les directives de libéralisation pour reconstruire les services publics, dénonciation du traité budgétaire pour refuser l’austérité et engager une relance écosocialiste de l’activité… Contre le libre-échange et le dumping, « l’Humain d’abord » proposait une taxe kilométrique et des visas sociaux et écologiques. Aujourd’hui, assumons le mot protectionnisme ! Notre protectionnisme est solidaire : il vise la relocalisation de l’industrie et de l’agriculture aux plus près des besoins sociaux et la planification écologique. Nous défendons la coopération plutôt que la guerre économique de tous contre tous. Cela commence par mettre en échec le projet de grand marché transatlantique. Pour en finir avec l’austérité et la spéculation contre la dette publique, organisons un audit citoyen et des annulations de dette publique. Surtout la BCE doit prêter directement aux États à taux bas ou nul. L’euromark actuel condamne les peuples à l’austérité. Mais les peuples n’accepteront pas d’être tondus éternellement. L’affrontement peut aller jusqu’à la désobéissance monétaire et une réforme unilatérale des statuts de la Banque de France pour qu’elle prête directement à l’État. Entre la sauvegarde de l’euro et la souveraineté du peuple, notre choix est vite fait ! Assumons cette confrontation. Il n’y a pas d’euro possible sans la France. Notre méthode est simple : proposer nos solutions. Les appliquer avec les autres peuples chaque fois que possible. Les appliquer seuls chaque fois que nécessaire. Nous devons assumer le potentiel révolutionnaire que donne à notre nation sa place de deuxième population et économie d’Europe et son histoire. Nul nationalisme ! Seulement la ferme conviction que changer l’UE à 28 est impossible. Notre stratégie : la subversion. Notre action : rompre pour ouvrir un chemin et entraîner les autres peuples d’Europe. Là est l’internationalisme. Nous en avons les moyens. Chaque bulletin de vote pour nos listes aura cette ambition. Hollande, Merkel, Barroso, du balai !

Luttes populaires : Les adversaires européens

Pour les travailleurs en lutte, il est clair que la brutale et injuste mise en cause des régimes de retraites est une offensive voulue et menée par le patronat de ce pays et par son gouvernement.

Toutefois, le fait que des attaques semblables soient programmées ou déjà appliquées dans nombre de pays d’Europe doit retenir l’attention sur le rôle de l’Union européenne et de ses institutions. De fait, celles-ci sont, à la fois, incitatrices et cautions de l’attaque sans précédent lancée sur le continent contre les acquis sociaux de la population, particulièrement ceux des salariés.    

Le sommet européen de Barcelone

C’est en mars 2002, à Barcelone, qu’a été décidé le recul de l’âge de la retraite dans tous les pays de l’Union européenne ; avec pour la France, l’accord de Jacques Chirac et de Lionel Jospin. Voici ce que dit le texte adopté :

« Il convient de réduire les incitations individuelles à la retraite anticipée et la mise en place par les entreprises de système de préretraites, d’intensifier les efforts destinés à offrir aux travailleurs âgés davantage de possibilités de rester sur le marché du travail, par exemple par des formules souples de retraite progressive et en garantissant un véritable accès à l’éducation et à la formation tout au long de sa vie. Il faudrait rechercher d’ici à 2010 à augmenter progressivement d’environ cinq ans l’âge moyen effectif auquel cesse, dans l’Union européenne, l’activité professionnelle. Les progrès à cet égard seront examinés chaque année avant le Conseil européen de printemps ».

Outre cet allongement du temps de cotisation, le sommet européen de Barcelone préconisait la montée en puissance des fonds de pension pour financer les retraites. Pour Jacques Chirac cela s’appelait « les fonds de pension à la française », pour Lionel Jospin « des modalités d’épargne salariale ».

A noter que, peu avant, Laurent Fabius, ministre de l’Economie dans le gouvernement Jospin [1], avait approuvé un projet de directive européenne en faveur des « fonds de pension professionnels ».

Traité de Lisbonne

Dans le carcan ultralibéral du traité de Lisbonne

Le copié-collé du projet de constitution européenne est entré en vigueur le 1er décembre 2009. Il sanctuarise des politiques au service de la finance.

« La crise est venue de la dérive d’un modèle anglo-saxon, je veux pour le monde la victoire du modèle européen qui n’a rien à voir avec les excès d’un capitalisme financier », a affirmé Nicolas Sarkozy, ce même jour, dans le Var. Le « modèle européen » sanctuarisé par le traité de Lisbonne, qui entre en vigueur aujourd’hui, un antidote aux « dérives du capitalisme financier »  ?

En pleine crise, ces assertions peinent à faire oublier l’activisme de l’Union européenne en faveur de la déréglementation, de la compression des dépenses sociales et de politiques économiques et monétaires tout entières dédiées à l’appui aux marchés financiers, au détriment de l’emploi et de la croissance. Quelques exemples. Comme le projet de constitution, le traité de Lisbonne consacre « la concurrence libre et non faussée » comme un dogme fondamental de l’UE. Il stipule que « l’Union contribue (…) au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs, ainsi qu’à la réduction des barrières douanières et autres ». De même, le traité de Lisbonne stipule que « toutes les restrictions aux mouvements de capitaux sont interdites ». Des dispositions qui font des promesses présidentielles de « régulation » des paroles en l’air. Enfin, ce traité laisse intacts les pleins pouvoirs de la Banque centrale européenne, enferrée dans les dogmes monétaristes qui font de la « stabilité des prix » l’unique objectif de sa politique monétaire. Une mission désormais inscrite dans les objectifs de l’Union, qui justifie les appels répétés de la BCE à la « modération salariale ».                                  Rosa Moussaoui, l’Humanité  du 2 dec 09

LES MENSONGES SUR LE TRAITE DE LISBONNEpar Raoul Marc Jennar, militant et chercheur altermondialiste, Janvier 2008

Libéraux de droite comme de gauche, UMP, Modem et direction du PS, relayés par la presse patronale (Le Monde, Libé, Le Figaro, ….), diffusent, comme en 2005, une série de mensonges à propos du  traité modificatif européen (Traité de Lisbonne) qu’ils veulent voir ratifié à tout prix. En voici 5, parmi d’autres :

A propos de la laïcité :

Nouveauté par rapport au Traité établissant une Constitution pour l’Europe (TCE) : « l’héritage religieux » est mentionné comme « source de la démocratie, de l’Etat de droit et des libertés fondamentales » ; par contre, comme dans le TCE, l’Union Européenne (UE) reconnaît les Eglises, mais pas la laïcité (le mot et la chose sont absent des textes). Le retour en force de l’ingérence des Eglises est ainsi encouragé. L’Europe des Lumières s’obscurcit dangereusement. Les droits des femmes à peine conquis sont directement menacés. Le Vatican triomphe avec l’aide du chanoine qui préside la République.

A propos de la démocratie:

Comme dans le TCE, quelques dispositions renforcent le poids du Parlement européen, mais celui-ci reste largement un Parlement croupion : il n’est pas l’unique législateur et ses pouvoirs de contrôle sont limités (pas de séparation des pouvoirs), il ne peut pas proposer ses propres textes (le monopole de l’initiative est maintenu en faveur de la toute puissante Commission européenne qui peut s’opposer aux attentes du Parlement et du Conseil des ministres tous deux pourtant issus du suffrage universel). Le citoyen qui peut changer, par le suffrage universel, son maire, son parlementaire, son gouvernement est totalement impuissant face à une Commission européenne qui n’est pas comptable de ses actes. Le traité modificatif ne modifie pas le caractère technocratique et opaque d’une Commission européenne plus que jamais aux ordres des lobbies de la finance et du business.

A propos du néolibéralisme des politiques européennes :

La disparition de la formule « concurrence libre et non faussée » du TCE n’entraîne pas de changement dans l’orientation des politiques. Un article rappelle le primat d’une « économie de marché ouverte où la concurrence est libre » et un protocole (même valeur que le traité) indique que « le marché intérieur comprend un système garantissant que la concurrence n’est pas faussée ». La seule politique de l’UE, c’est, plus que jamais, de mettre en concurrence toutes les activités humaines. Pas de place pour la coopération ; pas de place pour la solidarité. Mme Merkel l’a confirmé au Parlement européen : en ce qui concerne le libéralisme des politiques, « rien ne va changer ».

A propos des services publics :

Rien n’est plus mensonger que d’affirmer que l’UE protège désormais les services publics (baptisés « services d’intérêt général »). Un protocole dont l’intitulé parle des « services d’intérêt général » ne concerne en fait dans son contenu que les « services d’intérêt économique général » lesquels sont soumis aux règles de la concurrence. Il s’agit-là d’une formidable mystification de la part des auteurs du traité. Comme ceux-ci l’ont déclaré : « la liberté d’établissement et la liberté de circulation des personnes, des biens, des capitaux etdes services continuent de revêtir une importance capitale ».

A propos de la mondialisation néolibérale :

L’affirmation selon laquelle désormais l’UE protégerait contre la mondialisation est totalement mensongère et démentie par le texte : celui-ci renforce les pouvoirs de la Commission européenne pour négocier des politiques de dérégulation à l’OMC. Les pouvoirs du Comité 133 sont consacrés et renforcés dans la mesure où il ne devra plus se prononcer à l’unanimité. Son opacité demeure. La négociation de la mise en œuvre de l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS), dont l’objectif ultime est la privatisation de toutes les activités de services qu’elles soient nationales régionales ou municipales, en sera facilitée. Le traité de Lisbonne facilite la soumission des services publics locaux aux règles de l’AGCS.

* * * *  Dossier Spécial Traité de Lisbonne de l’Humanité le 26 Nov 2007  —> lire PDF 

de même qu’en 2005 le journal L’Humanité avait publié le dossier référence sur le Traité Constitutionnel Européen (TCE), il a édité ce document détaillé sur le traité de Lisbonne.


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