Reconstruire un modèle de coopération internationale fondé sur la solidarité, préservant ainsi à la fois la paix et le progrès social

Dans une situation internationale dangereuse et incertaine, l’urgence est de faire pression pour des solutions visant à construire des alternatives se fixant comme objectif : la Paix.

Une campagne idéologique est construite et développée, y inclus au plus haut niveau de l’Etat, pour faire prévaloir la force sur le droit et faire croire que la construction de la paix ne pourrait se faire que par une augmentation vertigineuse des dépenses militaires.

Le journal la Marseillaise qui a donné la parole à Roland Nivet, porte-parole national du Mouvement de la Paix dans son édition du 5 mars :*-*-*-*

[Entretien]
Roland Nivet : « Il y a une campagne pour faire peur »

Porte-parole national du Mouvement de la paix, Roland Nivet dénonce les discours militaristes. Il appelle à des mobilisations pour la paix partout en France le 16 mai.

La Marseillaise : La présidente de la Commission européenne a annoncé ce mardi un fonds de 800 milliards d’euros pour réarmer l’Europe. Quelle a été votre réaction ? 

Roland Nivet : La même qu’il y a quelques jours quand elle a annoncé que pour faire face à la situation actuelle il fallait porter à 5% du PIB les dépenses militaires. Il y a une volonté aujourd’hui d’affirmer que la sécurité du monde ne peut s’assurer que par la force et que celle-ci doit prévaloir sur le droit. Nous sommes dans des logiques de puissance, qui s’affirment aussi bien d’un point de vue économique, que militaire ou idéologique. Aujourd’hui les dépenses militaires s’élèvent à 2 500 milliards de dollars par an, qui vont être augmentées encore de quelques centaines voire milliers. Mais en même temps, les décès induis par le sous-développement économique et social dans les 122 pays du tiers-monde se sont élevés en 2023 à plus de 61 millions d’êtres humains selon l’ONU. En une seule année, l’équivalent du nombre de morts pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une sécurité humaine, qui réponde aux vrais défis d’aujourd’hui !

Donald Trump a annoncé cesser ses livraisons d’armes vers l’Ukraine, est-ce que vous comprenez l’inquiétude qui s’exprime ?

R.N. : Bien sûr. Les personnes que je rencontre sont très inquiètes, la volonté de sécurité est là, on me dit qu’il faut bien se défendre. Mais il y a une campagne idéologique pour faire peur aux gens, leur dire que s’ils veulent vivre en sécurité, il va falloir faire un effort. Et cet effort va porter sur moins de dépenses sociales pour plus de dépenses militaires. C’est le contraire de ce qu’il faut, on l’a vu depuis des années, en Irak comme ailleurs, y compris en Ukraine, que les solutions militaires n’aboutissent nulle part.

Il y a justement les velléités à puiser dans l’épargne pour financer l’effort militaire…

R.N. : Le problème, c’est qu’aujourd’hui le monde est face à des défis énormes. La Croix Rouge internationale dit que le danger ce sont les armes nucléaires, le Giec [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, Ndlr] dit que le premier danger c’est le réchauffement climatique, et nous sommes en face d’une crise humaine. Nous devons mobiliser les intelligences et les moyens pour la survie de l’humanité, donner à manger à tout le monde, faire face au réchauffement climatique. Cela nécessite des investissements énormes. Et là on s’en va vers une économie de guerre, et pour faire admettre ça, il faut faire peur. Il faut garder de la lucidité. Nous appelons à une insurrection des consciences pour la paix, nous avons lancé l’idée de rassemblements le 16 mai pour vivre ensemble en paix.

Mais entre les menaces des États-Unis et de la Russie, comment garantir la paix ? 

R.N. : Des propositions ont été faites de longue date, y compris par les Nations Unies. C’est sur tous les terrains qu’il faut avancer, mais avant, tout simplement répondre aux besoins sociaux. On peut unir les peuples pour leur sécurité physique, alimentaire, climatique, sociale. C’est pour cela qu’on a besoin d’argent. Il va falloir mener une bataille idéologique pour assurer la sécurité des peuples, y compris sur les moyens militaires de la sécurité. On nous parle de la disjonction entre les États-Unis et l’Europe : nous, nous demandons depuis toujours la fin de l’Otan en considérant qu’elle n’est pas conforme à la Charte des Nations Unies. C’est le moment de porter des alternatives. Il y a la montée des idéologies fascisantes, y compris aux USA. Nous sommes tous inquiets face à une mondialisation des conflits en cours et il ne faut pas sous-estimer les problèmes de défense. Mais la crise pose aussi des questions politiques fondamentales, dont celle de la répartition des richesses. On ne peut pas aller vers la satisfaction des besoins de sécurité sans mettre en cause le modèle de développement.

propos recueillis par YVES SOUBEN /  05/03/2025

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Le Mouvement de la Paix

https://www.mvtpaix.org

 


Marianne Margaté, sénatrice communiste :

La guerre en Ukraine, trois ans après l’invasion russe, demeure une plaie ouverte au cœur de l’Europe.

Derrière l’enlisement militaire et les discours belliqueux, une évidence s’impose : aucune solution purement militaire ne mettra fin à ce conflit.

Les récentes déclarations d’Emmanuel Macron sur « l’autonomie stratégique européenne », évoquant notamment l’éventuelle extension du parapluie nucléaire français, révèlent moins une vision cohérente qu’un aveu d’impuissance.

Ce projet, flou et dangereux, ne répond pas aux urgences actuelles : désamorcer l’escalade, assurer la sécurité collective et penser la paix hors des logiques de blocs.

Un million de victimes plus tard, le constat est implacable : l’escalade militariste a échoué.

Les livraisons massives d’armes, censées faire barrage à l’agression russe, n’ont fait qu’alimenter une machine de guerre destructrice, affectant gravement les populations ukrainiennes, russes et européennes. Les profits record des industriels de l’armement (+29 % pour Lockheed Martin en 2024) contrastent violemment avec l’asphyxie des budgets sociaux européens, où inflation et dette publique fragilisent les services essentiels.

Cette guerre, issue d’une mondialisation capitaliste en crise, ne bénéficie à aucun peuple.

Elle profite exclusivement à une minorité : oligarques russes avides de rentes énergétiques, fonds spéculatifs tirant profit de la dette ukrainienne, et complexe militaro-industriel occidental. Tandis que les armes font des centaines de milliers de victimes sur le terrain, c’est dans les capitales, les conseils d’administration et lors de négociations opaques que se décide l’avenir de ce conflit — un avenir où l’Ukraine risque de sortir exsangue, quel que soit le camp proclamé « vainqueur ».

Les projets de « reconstruction » de l’Ukraine, souvent présentés comme une lueur d’espoir, exigent une vigilance renforcée.

Dirigés par des institutions telles que BlackRock ou le FMI, ces plans risquent de transformer le pays en laboratoire néolibéral : accaparement des terres agricoles par des fonds spéculatifs, privatisation des infrastructures au bénéfice des multinationales, droits sociaux sacrifiés sur l’autel de la « compétitivité ».

Ce scénario, déjà observé en Irak ou en Grèce, imposerait une double peine aux Ukrainiens : après la guerre, la dilapidation.

L’Europe, quant à elle, paie le prix de sa dépendance stratégique. Pris de court par un Donald Trump isolationniste qui entend redéployer ses forces face à la Chine, Emmanuel Macron s’est livré à une rhétorique martiale, préparant les Français à un effort de guerre. Mais qu’en est-il de l’effort de paix auquel aspirent tous les peuples ?

L’idée d’une guerre imminente contre une Russie prête à débarquer sur les Champs-Élysées apparaît davantage comme une justification commode à des politiques d’austérité qu’une réalité tangible.

Alors que nos collectivités locales cherchent désespérément à faire plus avec toujours moins, et que nos services publics s’épuisent à pallier les carences, le gouvernement semble pourtant capable de mobiliser soudainement des ressources considérables pour alimenter une escalade militaire aux objectifs incertains.

Cette contradiction révèle un choix politique évident : sacrifier les besoins sociaux pour défendre une souveraineté factice, quitte à accentuer davantage les fractures internes d’une société déjà fragilisée par des crises successives.

L’urgence véritable serait de reconstruire un modèle de coopération internationale fondé sur la solidarité, préservant ainsi à la fois la paix et le progrès social, plutôt que d’alimenter une spirale infinie de confrontations aux conséquences imprévisibles.

La France, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, a les moyens de sortir de l’immobilisme. Au lieu de s’enfermer dans une rhétorique guerrière, elle doit :

– Exiger un cessez-le-feu immédiat et soutenir des négociations sous l’égide de l’ONU, en impliquant des pays non-alignés (Inde, Brésil, Afrique du Sud) ainsi que les acteurs locaux ukrainiens et russes.

– Relancer les principes d’Helsinki de 1975, affirmant l’inviolabilité des frontières et la coopération paneuropéenne, tout en garantissant la sécurité de tous les États, y compris la Russie.

– Dialoguer activement avec les BRICS et organiser une conférence internationale sous l’égide du G20, afin de réduire le risque d’une guerre mondiale en incluant les pays du Sud global majoritaire.

La paix en Ukraine ne sera ni victoire ni capitulation, mais l’art fragile de concilier des intérêts antagonistes.

À nous de refuser les simplifications dangereuses et de renouer avec notre vocation de puissance de paix, en exigeant l’arrêt immédiat des combats, en relançant le désarmement nucléaire et en construisant une sécurité européenne inclusive.

Cela implique de rompre avec les logiques libérales qui ont laminé notre industrie, fragilisé notre souveraineté et jeté les peuples les uns contre les autres.


La Marseillaise 11/03/25