École, mariage, fin de vie : laissez-nous vivre en paix !
La déclaration à l’encontre de la loi sur la fin de vie émanant des représentants des trois monothéismes publiée dans le Monde constitue le dernier avatar de l’emprise croissante des religions dans le débat public. Déjà, lors de la nécessaire campagne de lutte contre la discrimination filles-garçons à l’école ou à l’occasion des débats accompagnant la loi pour le mariage pour tous, la sainte alliance des monothéismes s’était peu à peu reformée. En intervenant dans le débat sur la fin de vie, on pourrait soupçonner les prêtres, rabbins et imams de venir défendre leur fonds de commerce, tant il est aujourd’hui encore difficile de pouvoir mourir en paix sans que de bonnes âmes ne veuillent récupérer la nôtre.
Aujourd’hui, même le concept de laïcité apparaît de nouve au contesté, car derrière l’apparente condamnation unanime des assassinats de janvier, plusieurs représentants du culte ont exprimé leurs
réserves, pour ne pas dire leur réprobation des caricatures portant sur la religion. On a fait grand cas des réticences de quelques élèves, mais peu se sont élevés contre le pape lui-même qui a déclaré : « Si un grand ami parle mal de ma mère, il peut s’attendre à un coup de poing, et c’est normal. » Ça suffit ! Cette ingérence des religions est de plus en plus insupportable. Au
nom de quoi ces dignitaires auraientils le droit de s’ingérer dans le débat public, et de réclamer pour eux-mêmes un respect que l’histoire entière des religions dément ? Leur dernier sophisme consiste à faire croire que la laïcité elle-même serait une conviction parmi d’autres. Ce n’est évidemment pas le cas : la laïcité est un principe politique qui assure la liberté de conscience et permet donc à chacun
de se forger ses opinions propres. Dans les débats sociétaux, les dignitaires religieux se présentent comme des représentants de communautés dont personne ne sait vraiment qui les constitue : combien d’agnostiques, d’athées, de non-pratiquants parmi les prétendus chrétiens, juifs ou musulmans ? Combien ne se reconnaissent pas dans les positions de tel ou tel « porteparole » ? Il est temps de réaffirmer le principe de laïcité
dans l’espace public. C’est le fondement de la République, et même de l’idée de démocratie : c’est aux citoyens, dans la discussion politique, de fixer les normes. Que les religieux se contentent de rappeler leurs dogmes à leurs ouailles, nous entendons vivre, aimer et mourir en paix. Selon notre liberté de choix.
Article paru dans l’Humanité du 23 mars 2015